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Les partenaires du FEDEM réagissent à l’assassinat de la journaliste américano-palestinienne, Shireen Abu Akleh, et reviennent sur le rôle des médias indépendants en temps de conflit

25 mai 2022

Le 11 mai, la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh était abattue d’une balle, aux abords du camp de réfugiés de Jénine, en Palestine. Les partenaires du FEDEM réagissent à cette mort brutale et réfléchissent au rôle des journalistes indépendants en zones de conflit.

Les partenaires du FEDEM réagissent à l’assassinat de la journaliste américano-palestinienne, Shireen Abu Akleh, et reviennent sur le rôle des médias indépendants en temps de conflit

Crédit photo : Metras

Le 11 mai, Shireen Abu Akleh, journaliste américano-palestinienne qui travaillait depuis 25 ans pour la chaîne arabe Al-Jazira, a été la cible d’une balle alors qu’elle couvrait un raid mené par les forces israéliennes dans le camp de réfugiés de Jénine. Elle portait un gilet pare-balle et un casque. L’armée de défense et la police israéliennes en Cisjordanie ont été fermement critiquées pour leur rôle dans la mort de la journaliste, pour autant, les militaires israéliens ont annoncé ce week-end refuser mener une enquête criminelle.

Abu Akleh était un nom très familier dans le monde arabe. Sa mort a été unanimement condamnée par le Conseil de sécurité des Nations unies qui a exigé « une enquête immédiate, approfondie, transparente et impartiale » afin de faire toute la lumière sur cet assassinat. La violence exercée par la police israélienne lors du passage du cortège funèbre à Jérusalem a également été fermement condamnée.

Dans les heures qui ont suivi le décès de Shireen Abu Akleh, nombre d’éminents médias évoquaient dans un premier temps la « mort » de la journaliste, tandis que la plupart des médias locaux et indépendants dénonçaient une mise à mort intentionnelle.

Au cours des derniers jours, le FEDEM s’est entretenu avec des médias partenaires du Moyen-Orient afin de connaître leurs réactions face à la couverture de l’assassinat de Shireen Abu Akleh, et leur a demandé de réfléchir au rôle des médias indépendants et à la sécurité des journalistes en temps de conflit.

Rôle des médias indépendants

Interrogées par le FEDEM, Salwa Husein et Hanadi Qawasmi de Metras, s’accordent pour dire qu’en tant que journalistes pour un média indépendant opérant au sein de la Palestine, elles replacent ce meurtre dans un contexte plus large. « Les médias internationaux traitent cette information comme ils le feraient d’un événement isolé. Pour eux, Shireen était une journaliste palestinienne morte en couvrant des événements. Pour nous, sa mort illustre l’oppression généralisée du peuple palestinien...Nous replaçons l’événement dans ce contexte élargi et décrivons ce meurtre comme ce qu'il est : une menace pour l’existence même de la Palestine », déclare Salwa.

C’est-là un argument que Sara Ajlyakin et Sadik Abdul Rahman, du collectif syrien Al Jumhuriya reprennent à leur compte. « C’est un fait, les médias internationaux ont recours à un vocable dilué quand ils évoquent la Palestine. Ils utilisent la forme passive comme « s’est fait tuer », « a été tué », « est mort ». Un assassinat intentionnel qui ne dit pas son nom et qui n’a pas d’auteur. Israël a depuis longtemps introduit un élément narratif qui dépeint tout ressortissant palestinien comme un terroriste et tout journaliste travaillant là-bas comme quelqu’un qui fait le choix d’entrer en zone de guerre. En cas d’issue fatale, la responsabilité incombe au journaliste lui-même », poursuit Sara.

Pour eux, les médias indépendants jouent un rôle important en ce sens qu’ils déconstruisent ce discours qui normalise ce type de violence au sein de la Palestine et déconsidère les crimes commis contre les journalistes en les ramenant à de simples dommages collatéraux.

Pour Mirna Al Atrash et Aladin Al Abed de la Radio Baladna palestinienne, la prise pour cible d’une journaliste d’Al Jazeera sonne comme un avertissement inquiétant pour les petits médias indépendants de la région. « Nous avons peur d’aller couvrir les événements. Nous sommes clairement des cibles. Avant l’assassinat de Shireen, les journalistes palestiniens soufraient déjà de dépression chronique, de trouble de stress post-traumatique, d’insomnie et de problèmes de santé mentale. L’impunité est difficile à supporter pour les journalistes », assène Mirna.

Journalistes en zones de conflit

Salam Omer, de KirkukNow, un média indépendant opérant dans les territoires disputés d’Irak, place l’assassinat de Shireen Abu Akleh dans une perspective plus régionale. « En Irak, 22 journalistes ont trouvé la mort depuis 2003, et les auteurs de ces crimes n’ont jamais eu à répondre de leur acte. En temps de guerre, les parties au conflit considèrent les médias comme un ennemi. Ce dont elles ont besoin, c’est de propagande, pas d’un journalisme objectif et de qualité. Elles veulent de la désinformation et contrôler les médias pour s’en faire une tribune. Nous devons composer avec ça, et il est dramatique que Shireen soit devenue une victime de plus », fustige Salam.

Fady Elhassany, du média Last Story à Gaza, met également en garde, soulignant que cet assassinat crée un dangereux précédent pour les journalistes couvrant le conflit palestinien. « Le porte-parole de l’armée a déclaré qu’il était impossible d’informer les journalistes des opérations militaires à venir. Cela signifie donc que la sécurité des journalistes est à jamais compromise », regrette-t-il.

Parlant des menaces qui pèsent sur les journalistes couvrant les conflits, Salwa, de Metras déclare également que « certains journalistes ont peur de retourner sur le terrain en zone de conflit. Mais chez d’autres, au contraire, la menace à un effet inverse et ceux-là sont plus déterminés que jamais à faire la lumière sur la vérité et à dénoncer les atrocités commises et l’oubli de la communauté internationale. Le problème est qu’en tant que communauté, nous ne sommes pas capables de protéger nos journalistes. »

Rôle de service public des médias

Lors d’une récente visite à Bruxelles à l’occasion de la Journée de la différence, la journaliste ukrainienne Nataliya Gumenyuk a évoqué le rôle de service public que jouent les journalistes en temps de conflit.

Partageant ce sentiment, Salam de KirkukNow estime que la liberté d’expression est le socle de la démocratie et souligne que l’assassinat de journalistes ne devrait pas être balayé d’un revers de main, mais au contraire considéré comme un fléau.

« Sans cela, nous aurons vite fait d’oublier le cas de Shireen, jusqu’à ce que tombe la prochaine victime. Nous ne voulons pas en arriver à la situation du Mexique où la vie des journalistes est constamment en danger. Au Moyen-Orient, il n’a pas encore été compris au niveau politique que le rôle du journalisme est d'informer le public sur des sujets cruciaux », regrette-t-il.

Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.

 

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