De Facto et Trigger en guerre contre la désinformation en Moldavie
Deux émissions télévisées hebdomadaires luttent contre la désinformation sur le conflit en Ukraine parmi la communauté russophone de Moldavie.

Ami et partenaire de longue date du FEDEM, Alexei Tulbure et ses fidèles acolytes Stella Jantuan et Victor Ciobanu, sont des forces vives de la guerre contre la désinformation en Moldavie, pays dont l’une des langues officielles est le russe.
Leur série en ligne De Facto, diffusée chaque semaine sur YouTube et Facebook et retransmise sur la chaîne de télévision locale Jurnal TV (également partenaire du FEDEM), dénonce les informations fallacieuses, en mettant l’accent particulièrement sur les affaires qui touchent à la Moldavie. Les épisodes de De Facto sont suivis par plus de 2 millions de personnes, non seulement en Moldavie, mais aussi en Ukraine, dans les pays baltes, en Biélorussie et en Asie centrale.
Leur talk-show Trigger, lui aussi diffusé sur Jurnal TV, est de plus en plus suivi par des russophones du pays et a vu sa cote d’appréciation doubler ces derniers mois. La moitié de l’émission porte actuellement sur le conflit, tandis que la seconde moitié aborde des questions relatives à la Moldavie.
Le FEDEM a versé un financement de démarrage à ces deux initiatives.
Dans un récent entretien avec le FEDEM depuis son domicile à Chisinau, en Moldavie, Alexei Tulbure a évoqué les répercussions que le conflit a eu sur son travail.
« Ça a été très dur dans un premier temps », explique Alexei. « N’oublions pas qu’un demi-million de réfugiés sont arrivés en Moldavie après l’éclatement de la guerre. Une vague de ressentiment à l’égard des réfugiés a déferlé dans les médias sociaux, déplorant leur comportement et affirmant qu’ils étaient arrivés à bord de voitures haut de gamme et exigeaient un traitement de faveur. Puis se sont propagées les fake news en masse dans le pays, faisant courir la rumeur que tous les hommes allaient être mobilisés et qu’il y avait une pénurie de devises fortes. »
« Notre travail consiste à expliquer aux gens ce qu'il se passe réellement, pourquoi ces fausses rumeurs circulent et à qui elles profitent », poursuit Alexei.
Un conflit qui fait bouger les lignes
Alexei explique que les habitants de Moldavie s’affranchissent de plus en plus de la géopolitique qui a maintenu pendant si longtemps le pays dans une impasse politique. « Il n’est plus seulement question d’habitants de langue moldave contre des habitants de langue russe. La guerre est en train de changer la perspective de nombreuses personnes. La Russie est de moins en moins considérée comme le grand protecteur », affirme Alexei, faisant remarquer que ce phénomène de prise de distance avec la géopolitique est apparu avec l’élection de Maia Sandu à la tête du pays, dont la campagne avait été axée sur les questions moldaves internes.
Début mars, les autorités moldaves interdisaient la diffusion des chaînes de télévision d’état russes dans le pays, même si les téléspectateurs qui le souhaitent peuvent continuer à les regarder sur YouTube.
« Nous sommes le seul média alternatif en langue russe digne de ce nom », entonne Alexei. « Nous ne nous contentons pas de parler de la guerre du seul point de vue de l’Ukraine ou de l’Union européenne. Nous l’abordons sous l’angle moldave et des intérêts moldaves. »
Cet état de fait est, pour Alexei, à lui seul un véritable tournant. « Personne n’a jamais cru que la Moldavie accèderait au statut de candidat à l’adhésion à l’UE. Mais il y a une lumière au bout du tunnel pour notre pays. Nous croyons que nous pouvons faire évoluer les choses et que nous pouvons lutter contre les fléaux, comme la corruption. Il apparaît de plus en plus clairement que la Russie ne pourra pas aider, ni sur le plan économique ni sur le plan politique. C’est à nous, chez De Facto et Trigger, d’aider les gens à le comprendre », assène-t-il.
Alexei cite l’exemple du 9 mai pour illustrer ce changement qui émerge dans la société moldave. Traditionnellement, en ce Jour de la victoire soviétique, les anciens combattants arborent leurs médailles et rubans militaires, mais cette année, les autorités moldaves ont interdit le port du ruban de Saint-George, considéré comme un symbole de l’agression russe. Seule une poignée de citoyens âgés a manifesté son mécontentement à l’égard de cette décision.
Alexei estime également que le conflit en Ukraine est un important virage pour la république sécessionniste de Transnistrie. Tant Trigger que De Facto jouissent d'une forte audience dans l’enclave. « De plus en plus de gens se rallient à notre position. Ils ne veulent pas être la cible de tirs de roquettes. Ils sont nombreux désormais à demander la citoyenneté moldave. »
Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.