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Metras

25 November 2020

Une plateforme d’information et d’analyse des questions actuelles de la société palestinienne in-dep

Créé par un groupe d’amis en 2017, Metras publie des essais et des articles sur des sujets très variés, comme les droits des femmes, les violences conjugales, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et la discrimination fondée sur le sexe. Le média s’est imposé comme une plateforme incontournable pour quiconque souhaite obtenir des informations impartiales et une analyse des questions actuelles de la société palestinienne.

Metras

Les plus beaux projets naissent souvent d’une profonde et féconde conversation entre deux amis. Hanadi Qawasmi, rédactrice en chef de Metras, se souvient que c’est ainsi que l’idée de lancer Metras, une plateforme médiatique palestinienne, a germé dans son esprit.

Fin 2017, lors d'une conversation téléphonique entre Hanadi, alors journaliste freelance à Jérusalem, et Tareq Khamees, vivant alors à Istanbul et devenu depuis directeur de Metras, les deux amis en arrivèrent à la conclusion qu’il n’existait aucune plateforme d’information et d’analyse des questions actuelles de la société palestinienne. Quelques mois plus tard, après avoir consulté nombre de collègues et d’amis, le site Web de Metras était inauguré.

Lors d’un entretien avec le FEDEM, Hanadi explique que le terme Metras, qui signifie « barricade » en arabe, illustre bien l’intention inhérente à ce projet. Pour elle, des informations fiables accompagnées d’une analyse approfondie servent de barricade, de protection contre les ennemis, qu’il s’agisse de l’occupation israélienne ou de la censure palestinienne.

Deux après son lancement, Metras possède une équipe de jeunes journalistes professionnels et un site Web qui diffuse du contenu riche et varié. Le média compte des milliers de followers sur diverses plateformes de réseaux sociaux et est devenu une référence pour les Palestiniens du monde entier, pas seulement dans les territoires palestiniens occupés.

The Israeli settlement in the Jordan Valley in figures

Le savoir : un barrage contre la répression

Comme le dit Hanadi, « Metras est un tremplin qui met à la disposition des acteurs politiques et sociaux des informations et des analyses de l’actualité qu’ils peuvent ensuite eux-mêmes répercuter afin de sensibiliser et de mobiliser leurs concitoyens ».

Hanadi précise que si ce projet s’adresse à tous les Palestiniens, notamment la diaspora et ceux qui vivent en Cisjordanie, en Israël et dans les camps de réfugiés au Liban, en Syrie ou en Jordanie, un accent particulier est cependant porté sur les territoires palestiniens occupés. L’équipe s’intéresse également à des sujets connexes dans d’autres parties du monde, pour preuve les récents articles sur les Américains d’origine palestinienne publiés pendant la période précédant les dernières élections américaines.

Hanadi souligne que pour elle et l’équipe de Metras, ce n’est pas juste un travail, c’est un projet dans lequel ils croient tous profondément.

« Metras est une source que les gens consultent pour y trouver des informations fiables et des analyses critiques approfondies. Je suis très touchée et très fière quand j’entends parler de jeunes, de militants et d’étudiants qui cherchent sur notre site Web des réponses pour argumenter leurs opinions ou leur action sur le terrain », confie Hanadi.

Une voix critique en Palestine en pleine crise de la Covid-19

Le rôle crucial de Metras s’est davantage illustré pendant la pandémie de Covid-19 au printemps. L’Autorité palestinienne qui dirige la Cisjordanie a annoncé l’état d’urgence début mars, fermant des villages entiers, les magasins et les écoles et mettant les activités locales à l’arrêt.

Pour l’équipe de Metras, il était, dans ce contexte, plus important que jamais de rester un acteur attentif et critique. En période de crise, les peuples hésitent souvent à exprimer leurs critiques à l’égard des gouvernements et de leurs décisions, et cela s’est vérifié en Palestine, de nombreux médias et activistes ayant déclaré approuver les actions de l’Autorité palestinienne. Metras n’a pas porté le même regard sur la situation.

« Les médias ont un rôle de surveillance des autorités et de leur gestion de la crise. Ils ne devraient avoir aucune crainte à exprimer leur avis », regrette Hanadi.

Metras a publié des articles remettant en question la pertinence de l’instauration de l’état d’urgence alors que seulement sept cas avait été recensés sur une population de 3,8 millions d'habitants, s’interrogeant sur les répercussions sur les droits de l'homme et les libertés, et revenant sur les mesures économiques mises en œuvre et sur leur effet contreproductif.
« Les gens nous ont reproché notre prise de position mais il était de notre responsabilité d’informer nos lecteurs. C’est notre mission en tant que média indépendant. »

Metras2

Aborder les questions de genre

Un autre volet important du travail de Metras consiste à défendre les droits des femmes et à dénoncer les violences conjugales, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et la discrimination fondée sur le sexe.
En septembre 2019, suite au meurtre d’une jeune femme par sa famille, le média avait publié une série d’articles sur des actes similaires, s’émouvant du faible taux de condamnations et du fait que les auteurs de ces crimes étaient rarement inquiétés.

Metras s’est également penché sur le statut des ouvrières palestiniennes employées dans des usines implantées dans les colonies israéliennes et qui perçoivent des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues israéliennes en raison de politiques de rémunération discriminatoires.

Hanadi suit actuellement de près une loi en faveur de la protection de la famille que l’Autorité palestinienne souhaite faire voter en vue de protéger les femmes contre les violences conjugales.

« Nous expliquons les différents points de vue et nous ajoutons le nôtre dans le débat. Nous posons des questions sur l’application de la loi. Nous demandons si la police palestinienne a la capacité d’arrêter les coupables, surtout ceux qui vivent dans la zone C qui est sous le contrôle exclusif de l'État hébreu. »

Si Hanadi ne doute pas un instant de la nécessité de cette loi, elle est aussi convaincue que les restrictions sociales et politiques en Cisjordanie doivent être prises en considération.

Metras joue un rôle unique dans l’espace médiatique palestinien. « Si nous repérons un sujet à peine abordé dans les médias palestiniens, nous nous chargeons de l’approfondir. Lorsqu’on nous demande d’écrire un article sur un sujet particulier, nous faisons des recherches afin de déterminer si ce sujet a déjà été abordé, sous quels angles et s’il est nécessaire d’y revenir en portant dessus un regard neuf. Nous n’avons aucun intérêt à répéter ce qui a déjà été fait », précise Hanadi.

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Renforcement des compétences pour la pérennité de Metras

Malgré le haut de niveau d’études de nombreux Palestiniens, Hanadi et son équipe ont quelque-peu déchanté quand ils recevaient au début des articles rédigés par des contributeurs. Chaque article devait être complètement remanié avant d’être publié.

Cette constatation les a convaincus de lancer un programme de formation pour journalistes et futurs relecteurs. Le deuxième cycle auquel participeront quatre journalistes (toutes des femmes) débutera en décembre de cette année. Des formations internes sont également prévues.

« J’espère pour Metras et plus particulièrement pour l’aspect éditorial dont je m’occupe, trouver à terme quelqu’un qui prendra la relève. Je veux que ceux qui nous rejoignent fassent leur ce projet, qu’ils se l’approprient autant que moi. Je veux que Metras s’inscrive dans la durée et soit autonome, ce qui nécessite une participation riche et variée », explique Hanadi.

« Je regarde la nouvelle génération de journalistes, dont la plupart sont des jeunes femmes, et il me peine de voir à quel point ils ont du mal à trouver des débouchés. C’est pourquoi je pense qu’il est intéressant pour eux de commencer chez Metras. Nous les aidons à acquérir de l’expérience et à trouver un travail et eux, ils contribuent à la viabilité de Metras. Tout le monde est gagnant », se félicite Hanadi.

Grâce à l’aide versée par le FEDEM en septembre 2020, Metras dispose désormais des ressources nécessaires pour maintenir ses opérations pendant les deux prochaines années. Hanadi salue la souplesse dont fait preuve le FEDEM, l’absence de conditions et d’approche ascendante, ce qui correspond parfaitement au type d’aide que recherche Metras. Cette subvention permettra de diversifier la création de contenu de Metras, un élément clé dont dépend l’avenir du média.

 

[1] L’Accord Oslo II de 1995 a morcelé la Cisjordanie en trois zones de plusieurs types : les zones A et B, officiellement placées sous le régime de l’Autorité palestinienne et la zone C, les 61 % restants de la Cisjordanie, sous le contrôle exclusif de l'État hébreu pour ce qui concerne la sécurité et les affaires sociales. (Source: B’Tselem)