Une voix progressiste et pacifique dans le Caucase

Fondé en 2017, OC Media s’est imposé comme un média fiable, indépendant et de qualité dans la région. Il couvre actuellement le conflit du Haut-Karabaght.

Quand Dominik Cagara et Mariam Nikuradze, les fondateurs de OC Media, se sont rencontrés, ils travaillaient pour Democracy and Freedom Watch, un média axé sur la Géorgie.

Tous deux avaient conscience du manque à combler face à l’absence de plateforme d’information en ligne dédiée à l’actualité de la région et capable de fournir des informations sur les pays de part et d’autre des montagnes du Caucase, à savoir l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan, ainsi que les Républiques du Caucase du Nord. Il leur semblait également évident que ce média se devait d’être progressiste et en faveur des droits des minorités et des travailleurs.

C’est ainsi qu’a vu le jour OC Media en 2016, à l’origine sous l’égide de Chai Khana, une ONG régionale primée, qui s’est fait une spécialité de traiter de sujets généralement peu abordés dans le Caucase. Dix mois après son lancement, le nouveau média en ligne avait suffisamment gagné en autonomie pour voler de ses propres ailes et devenir une entité à part entière.

Dès le début, Dominik et Mariam décidèrent que leur travail serait publié en deux langues : en russe, la langue commune aux habitants du Caucase et en anglais pour mieux faire connaître la région à la scène internationale et refléter l'appétence des jeunes de la région pour cette langue. Depuis peu, ils font traduire certains de leurs articles dans des langues locales, comme l’arménien, l’azéri, le géorgien et le circassien.

Si les bureaux d’OC Media se trouvent à Tbilisi, en Géorgie, le média collabore avec des journalistes et correspondants indépendants disséminés dans la région, comme en Tchétchénie, en Abkhazie et en Ossétie du Sud, où les médias plus établis ont du mal à garder des contacts. Ce rayonnement a valu à OC Media d’acquérir rapidement une réputation de source d’information fiable et de grande qualité dans le Caucase.

Couverture du conflit du Haut-Karabagh

Au cours des dernières semaines, l’équipe d’OC Media a couvert le conflit opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le Haut-Karabagh. L’équipe consacre énormément de temps à vérifier les informations et à sélectionner les faits à publier en temps réel sur le site Web en fonction des informations remontées par des journalistes travaillant en Arménie et en Azerbaïdjan.

Mais OC Media ne se contente pas de publier les dernières nouvelles. « Nous voulons également présenter les choses dans leur ensemble », précise Mariam, « et nous voulons faire de notre plateforme un outil de promotion du dialogue entre les deux camps ». OC Media a par ailleurs publié plusieurs tribunes et chroniques rédigées par des militants des deux camps du conflit qui remettent en cause le discours officiel de Baku et d’Erevan, ce qui a d’ailleurs valu à plusieurs d’entre eux de recevoir des menaces et de subir des représailles.

Cette perspective pacifique se retrouve également dans les pratiques de travail et d’édition du média en ligne : « Dès le départ, nous avons clairement signifié à tous nos correspondants que nous ne tolèrerions aucun discours de haine, ni discrimination sous quelque forme que ce soit », explique Dominik. « Notre objectif était de rendre compte objectivement et professionnellement, pas de privilégier une thèse plutôt qu’une autre. Grâce à ces limites clairement établies, nous sommes aujourd'hui le seul média qui fasse réellement coopérer et collaborer entre eux des journalistes arméniens et azerbaïdjanais. »

« Bien entendu, nous ne sommes pas du goût de tout le monde », souligne Dominik. Le 29 octobre, le site Web d’OC Media a d’ailleurs été la cible d'une cyber-attaque et est resté paralysé pendant plusieurs heures. L’équipe n’a jamais pu identifier les auteurs de cette attaque, mais elle pense avoir fait les frais de sa couverture du conflit du Haut-Karabagh car d’autres sites Web en Arménie et en Azerbaïdjan ont également été ciblés depuis l’éclatement du conflit.

Bousculer les esprits sur la question des droits des personnes LGBT

OC Media s’attache également à rendre compte des questions relatives aux droits de l'homme, en particulier des groupes vulnérables, des minorités ethniques, des travailleurs et de la communauté LGBT. L’équipe remet souvent en question les discours dominants relatifs aux droits des homosexuels et offre régulièrement une tribune à des militants qui profitent de la plateforme pour publier des témoignages de personnes LGBT de la région.

Le Caucase est un environnement extrêmement hostile pour les homosexuels. L’an passé, le média a consacré de nombreux sujets aux efforts de militants géorgiens pour organiser une Marche des fiertés à Tbilisi.

L’un des sujets les plus délicats jamais abordés par le média a été les pogroms contre les personnes LGBT en Tchétchénie. OC Media a publié les témoignages poignants de survivants et l’un des journalistes travaillant sur ce sujet a dû quitter le pays pour mettre fin à l’ostracisme et à la persécution dont il faisait l’objet.

« Traiter du Caucase du Nord s’accompagne souvent d'un sentiment d'impuissance », relate Dominik. « Nous rendons compte de la situation des gens et publions leurs témoignages mais nous sommes toujours très frustrés de ne pas pouvoir faire plus, de ne pas pouvoir changer concrètement les choses. »

Les journalistes du Caucase du Nord doivent souvent travailler dans l’anonymat et en prenant des risques, et la démarche d’OC Media de mettre à leur disposition une plateforme leur donne espoir, non seulement à eux, mais aussi à leurs lecteurs. « En publiant leurs articles, nous leur signifions qu’ils ne sont pas seuls, que le reste du monde est attentif », reconnaît Dominik.

Conséquences de la Covid-19

OC Media s’intéresse également à des sujets généralement peu abordés dans la région, comme les grossesses précoces ou le calvaire des immigrants caucasiens partis travailler en Europe, et chaque article est abordé sur un ton très personnel. « Les récits personnels permettent plus facilement aux lecteurs de comprendre les faits qui sont dès lors plus pertinents, plus proches de leur réalité de tous les jours et moins abstraits », explique Mariam.

La même approche est adoptée pour évoquer les droits des travailleurs, autre sujet qui est au cœur de la politique éditoriale de l’équipe d’OC Media. Le média est particulièrement fier de son reportage en trois volets réalisé sur les usines de textile de Tbilisi, dans lesquelles l’un de ses journalistes s’est fait engager pour travailler comme ouvrier afin d’exposer les conditions de travail.

Ce reportage a été publié au moment où frappait la pandémie de Covid-19, et l’équipe a rapidement changé de fusil d’épaule, attachée à fournir des informations utiles et actualisées. Il a ainsi fallu remiser les projets en cours, comme le lancement de OC Lab, une formation destinée aux futurs jeunes journalistes du Caucase.

Dominik et Mariam reconnaissent que leur travail et leurs efforts de ces derniers mois ont payé, OC Media étant devenu l’une des sources d’informations de qualité les plus fiables de la région pendant la pandémie.

La vie n’est jamais un long fleuve tranquille dans le Caucase et entre l’accord de paix dans le Haut-Karabagh et les manifestations post-électorales en Géorgie, l’équipe a de quoi faire.

« Nous savons que nous jouissons d'une excellente réputation dans le Caucase et que nous faisons autorité. Nous avons été étonnés par le grand nombre de militants qui ont émis le souhait d’utiliser OC Media comme plateforme pour exprimer leurs opinions pacifiques, en dépit des risques auxquels ils s’exposaient chez eux. Aujourd'hui, nous travaillons à la construction d’une communauté pour la paix et nous continuerons à donner du courage aux gens », conclut Dominik.