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Parole d’Internet

30 October 2020

Un vlog dédié à la diaspora moldave

Plus de la moitié des Moldaves en âge de voter vivent à l’étranger. Un vlog animé par deux émigrés établis au Canada s’efforce de convaincre le plus de ressortissants possible à aller voter lors des élections présidentielles de 2020 et de les informer correctement sur les questions qui les concernent.

En ce 1er novembre, alors que les Moldaves se rendent aux urnes pour la deuxième élection présidentielle depuis que le pays a adopté un système parlementaire, deux émigrés moldaves partis s’installer au Canada sont, une fois de plus, une voix très influente sur les réseaux sociaux.

Plusieurs fois par semaine, ce duo de choc incarné par le couple Nata Albot et Andrei Bolocan, descend dans son studio au sous-sol de leur maison de Toronto pour présenter un nouvel épisode de leur vlog divertissant, Internetu Grãieşte (Parole d’Internet), diffusé sur sa chaîne YouTube et sur son compte Facebook pour les Moldaves du monde entier.

En entretien avec le FEDEM, Nata explique que l’objectif de l’émission est multiple. Tout d’abord, il encourage les électeurs à aller voter. Deuxièmement, elle et Andrei jouent un rôle pédagogique important.

« Notre travail consiste à informer notre public au sujet des événements en Moldavie et à les éduquer sur la manière de consommer l’actualité. Nous leur apprenons à lire entre les lignes et derrière les gros titres, à débusquer les mensonges et à distinguer l’info de l’intox », précise Nata.

Diaspora moldave : des voix déterminantes lors des élections

La diaspora moldave pèse lourdement sur les élections présidentielles, même si sa posture est ô combien imprévisible. Les électeurs émigrés avaient voté en plus faible nombre aux élections législatives de 2019 qu’à la précédente élection présidentielle de 2016. Cette baisse s’explique en partie par l’insuffisance de bureaux de vote en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest : en effet, en 2019, le Canada comptait un seul et unique bureau de vote pour tout le pays ! Dans le passé, il n’a pas été rare de voir des bureaux de vote fermer prématurément en raison de quantités insuffisantes de bulletins de vote.

Par ailleurs, le changement très critiqué du système électoral, passant d’un modèle proportionnel à un système mixte, a eu un effet désastreux pour près d’un million de citoyens moldaves résidant à l’étranger qui ne peuvent désormais voter que dans trois circonscriptions à scrutin uninominal sur un total de 51. Dans un pays généralement divisé en deux camps, les pro-russes et les pro-occidentaux, cette situation a toute son importance quand on sait que la diaspora soutient généralement les candidats pro-occidentaux.

Cette élection est jugée décisive en Moldavie. Comme en 2016, l’actuel président pro-russe, Igor Dodon, est talonné par Maia Sandu, ex-Première ministre et présidente du parti Action et solidarité, favorable à un rapprochement avec l’Union européenne. Après une brève période d’optimisme et une vague de réformes menées sous le gouvernement de coalition dirigé par Maia Sandu en 2019, de nombreux Moldaves sont convaincus que leur pays s’engage une fois de plus dans la mauvaise direction.

La mainmise de l’État est une réalité, les médias sont contrôlés par quelques rares oligarques et magnats de la presse, et la pandémie de Covid-19 pèse lourdement sur une économie déjà fragile, ravivant les tensions entre les camps pro-occidentaux et pro-russes de la société. Discours haineux, fake news et désinformation gangrènent une société hautement vulnérable et exposée aux manipulations des médias.

Dans ce contexte pesant, personne ne serait étonné que soient organisées des élections législatives dans le sillage de l’élection présidentielle.

Mise en scène sur canapé

Comme l’explique Nata, l’idée de lancer Internetu Grãieşte leur est venue lors de la précédente élection présidentielle. Tous deux connus en Moldavie, Nata en tant que vlogger, militante et personnalité du petit écran et Andrei pour ses talents d’humoriste, ils avaient conscience que leur style détonnait passablement dans la sphère médiatique. Leur première émission fut diffusée depuis leur canapé.

« La plupart des Moldaves résidant à l’étranger s’informent sur Internet. Nous voulions commenter l’actualité en jouant la carte de l’humour. Nous analysons les actualités. Nous étudions la manière dont elles sont présentées et les commentaires qu’elles suscitent. Nous pointons du doigt les images créées de toutes pièces par les médias. Nous montrons comment une personne corrompue peut être présentée sous les traits d’une bon père de famille, croyant, pratiquant et fiable. Nous exposons les faits et faisons ressortir la réalité », explique Nata.

Le duo n’en est pas à son coup d’essai.

Andrei présente également l’émission Lumina, un vlog politique satirique qui tourne en dérision les hauts fonctionnaires de l’État et les dirigeants politiques.

Lorsque le gouvernement a modifié le système de scrutin, le couple a fortement soutenu la campagne « Adopte un vote » auprès de la diaspora, encourageant les électeurs à se déplacer pour aller voter et demandant aux compatriotes d’héberger ceux qui venaient de loin.

Par le passé, Nata et Andrei ont également animé une émission humoristique intitulée « Ne soyez pas une punaise. Allez voter », en référence à un vieux dicton moldave qui compare les personnes peu recommandables à des punaises. Comme pour la campagne actuelle, le couple s’était intéressé aux raisons invoquées par les électeurs pour ne pas aller voter.

« Nous voulions insister sur l’importance d’aller voter et de participer au processus démocratique de notre pays. Nous voulons que les jeunes se mobilisent et s’impliquent dans la vie de leur pays », souligne Nata.

Nata travaille actuellement à un nouveau vlog pour la Commission électorale centrale, destiné à présenter les nouvelles mesures électorales aux expatriés. Cette fois, les Moldaves pourront voter même si leur passeport a expiré, une avancée notable quand on sait que nombre d’entre eux prennent rarement la peine de le renouveler. Dans un contexte de Covid-19, il leur a également été rappelé de porter un masque et de se munir d’un stylo.

Cible d’attaques

Nata et Andrei ont souvent été pris pour cible. À l’occasion des précédentes campagnes, des trolls avaient infiltré des groupes de réseaux sociaux d’Amérique du Nord en vue de compromettre les candidats de l’opposition. L’un d’eux avait accusé Nata de ne pas payer ses impôts alors qu’elle organisait des festivals dans son pays natal. Elle et son avocat ont intenté, en vain, une action en justice pour diffamation contre l’individu à l’origine de ces accusations qui se faisait passer pour un touriste mais qui, en réalité, était un troll payé pour la dénigrer et générer la polémique.

Cette fois, une autre action en diffamation a été intentée contre le vlog et son partenaire de longue date, la chaîne de télévision indépendante TV8, avec pour conséquence l’interdiction de diffuser Internetu Grãieşte à la télévision moldave. Cela signifie que le vlog n’est désormais plus diffusé que sur les réseaux sociaux, mais Nata reste convaincue que leur voix continue de se faire entendre.

« Nous avons près de 70 000 followers sur Facebook. Je conseille toujours à nos spectateurs d’évoquer les sujets que nous abordons avec leurs parents et grands-parents. Il est important de les sensibiliser tout comme nous essayons de sensibiliser notre public. Nous avons pour principe de toujours rester neutres et de laisser les gens se faire leur opinion. Nous ne faisons que leur montrer les informations qui se cachent derrière les informations », explique Nata.

Nata est maman de quatre enfants et étudiante à l’université, alors les journées du couple sont plutôt bien remplies. L’aide apportée par le FEDEM leur a permis d’acquérir du matériel et de former une équipe de correspondants en Moldavie, renforçant les liens entre la diaspora et leur pays d'origine. « Avec le FEDEM, le processus a été démocratique. Le Fonds nous a fait confiance. Nous lui en sommes très reconnaissants », confie Nata.