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Termokiss

24 September 2020

Quand un centre culturel dirigé par des bénévoles insuffle une nouvelle vie à la ville de Pristina

Termokiss est l’histoire d’une action bénévole, d’idées réformatrices et de collaboration. Ce sémillant centre culturel situé à quelques minutes du centre-ville de Pristina est dirigé par un groupe de jeunes très motivés et bien décidés à redorer le blason de leur ville.

Il y a quatre ans à peine, Termokiss n’était qu’un bâtiment industriel abandonné, une vilaine cicatrice de plus dans le paysage urbain de Pristina. Érigé dans les années 1980 lors de la construction d’une structure d’échange thermique, il n’a jamais été achevé et finit par tomber à l’abandon.
La transformation de Termokiss qui en a fait le centre culturel qu'il est aujourd’hui est le fruit d’un enchaînement d’événements fortuits.

En 2016, une équipe internationale dirigée par l’organisation belge, Toestand, spécialisée dans la transformation temporaire d’espaces urbains vacants en projets socio-culturels, s’est rendue à Pristina dans l’idée d’y mener un projet de conversion urbaine avec des militants locaux. L’équipe a pris contact avec une jeune étudiante qui rédigeait sa thèse de Masters sur les édifices abandonnés et qui a suggéré le site de Termokiss pour le projet envisagé.

Comme le relate Erleta Morina, organisatrice communautaire à Termokiss, un groupe de bénévoles locaux s’est rapidement formé pour travailler sur le projet.
« Les jeunes rêvaient d’avoir un lieu comme celui-là pour se réunir et participer à des activités sociales et culturelles. Nous n’avions nulle part où aller, à part les cafés, et nous en avions assez de nous retrouver à boire des cafés et à ressasser nos projets. Arrive un moment où l’on a vraiment envie d’agir. Termokiss a été une réaction à ce besoin », explique Erleta.

Régi par le droit kosovar en tant qu’espace municipal, le bâtiment était aussi, de fait, un espace public. La municipalité ne savait pas comment procéder pour gérer les autorisations nécessaires au projet. Pendant un moment, tout semblait indiquer que le projet était voué à l’échec avant même d’avoir ouvert ses portes. Grâce à la pression de la communauté diplomatique locale, les autorités ont fini par céder, autorisant l’accès au bâtiment pour les bénévoles, mais uniquement pour la durée du projet initial.

Le mois de juillet de cette année-là, une équipe de bénévoles internationaux et locaux a travaillé sans relâche pendant 10 jours pour transformer cette structure de béton en un espace temporairement viable, utilisant des matières recyclées, posant des panneaux agglomérés en guise de toit et comblant les embrasures de fenêtres béantes par des bouteilles en plastique et en verre.

Après cette première salve de travaux, les bénévoles ont continué à occuper les lieux, le temps que la municipalité « étudie leur dossier ».

« Nous avons squatté les lieux pendant 10 mois avant de convenir des modalités du contrat. Alors, quand les inspecteurs sont venus sur place pour voir ce que nous avions fait, nous avons pu leur faire visiter les lieux afin qu’ils comprennent mieux notre approche. Cela nous a laissé le temps d’affiner le modèle sur lequel nous voulions opérer », explique Erleta.

Les bénévoles de Termokiss sont convenus que le nouveau centre serait géré par les membres de la communauté, où chacun assumerait une responsabilité partagée et où l’avis de tous serait pris en compte. Dès le mois d’octobre qui suivit, ils organisèrent un concert-marathon de six heures avec à l’affiche des artistes très en vue. Ce rendez-vous est à ce jour le seul événement payant qu’ils aient organisé, demandant au public une participation financière libre. Plus de 800 spectateurs ont participé, permettant de réunir les fonds pour réparer le toit du bâtiment. L’équipe a également lancé une campagne de financement participatif adressée à l’attention de la diaspora kosovar afin de réparer d’autres parties du site.

Termokiss s’est vite imposé comme un lieu bouillonnant d’activités, organisant toutes sortes d’événements, notamment des cours de cuisine, des séances de ping-pong, des cours de théâtre et d’art pour les enfants, du jardinage communautaire, des cours de yoga, des ateliers de menuiserie, des séances de poésie orale, des jam sessions avec des guitaristes et des ateliers de couture. 

Près de 40 personnes, quasiment toutes bénévoles, participent au bon fonctionnement quotidien du centre, notamment du personnel administratif et une équipe d’organisation. Mais Erleta insiste sur le modèle de fonctionnement démocratique.

« Les gens sont souvent un peu déconcertés quand ils viennent à Termokiss. Ils veulent savoir qui est en charge et qui dirige ce lieu. Il n’est pas toujours facile de comprendre l’esprit de communauté qui se cache derrière ce projet. Nous organisons des élections libres. Si un poste devient vacant, les membres de la communauté qui le souhaitent, postulent et les élections se tiennent à l’occasion de nos réunions hebdomadaires, où chacun vote », explique-t-elle.

Le concept de changement générationnel est dans l’essence même de Termokiss. Les premiers bénévoles à l’origine de l'ouverture du centre sont désormais passés à d’autres projets et ont laissé la place à une nouvelle génération de bénévoles qui soumettent leurs idées et veillent au développement du centre.

Grâce à l’aide versée par le FEDEM, Termokiss a pu récemment créer un nouvel espace de co-working, à l’écart de la zone principale du bâtiment. De nouveaux systèmes acoustiques et de ventilation ont également été installés, ainsi qu’une cuisine. Malheureusement, dans le contexte du récent confinement au Kosovo, les membres de l’équipe n’ont pas pu utiliser le site ces derniers mois.

Lors d'un entretien avec le FEDEM pendant le confinement, Fjolla Brisku, préposée à la communication et aux relations publiques, commentait que la communauté de Termokiss avait été prompte à réagir aux défis posés par la pandémie de Covid-19. Dans un premier temps, l’équipe s’est attachée à diffuser des conseils via les réseaux sociaux sur la meilleure façon de se protéger et de protéger ses proches contre la Covid-19.

« Une équipe de bénévole a fabriqué des masques en tissu qu’elle a distribués par centaines aux familles vulnérables de Pristina. Puis, nous avons lancé une campagne baptisée « Masques pour tous » afin de sensibiliser les habitants aux bienfaits du port du masque pendant la pandémie », précise Fjolla. Elle nous explique également qu’au Kosovo, qu’avec l’avalanche de fausses informations sur le virus, la population est mal informée sur la manière de se protéger et de protéger les autres contre l’infection, et d’ailleurs de nombreuses personnes âgées nient l’existence même du virus.

Dès la fin du mois de mars, Termokiss décida également de migrer son programme culturel en ligne. Le collectif se mit alors à diffuser des films en direct sur Facebook, suivis de discussions animées avec les réalisateurs. Il a organisé des séances de méditation en ligne, des soirées espagnoles, des clubs de poésie, et même des expositions virtuelles d’où l’on pouvait admirer le travail d’artistes en ligne. L’équipe a également lancé une initiative « Nourriture pour tous » à l’occasion de laquelle elle a récolté des denrées alimentaires et cuisiné des plats chauds distribués ensuite aux sans-abris de Pristina.

Si la communauté a pu adapter son programme et ses activités à ces circonstances exceptionnelles, il n’en reste pas moins que la crise de la Covid-19 a eu d’énormes répercussions sur les structures culturelles qui avaient mis des années à voir le jour, et Termokiss ne fait pas exception à la règle. De reste, la difficulté actuelle réside dans la possibilité de trouver d’autres sources de financement et de soutien dans ce contexte inédit, le FEDEM étant l’un des principaux donateurs soutenant ce projet.

Ces dernières semaines, avec l’allègement des mesures de confinement, Termokiss a entrepris de réintroduire plusieurs de ses activités dans le bâtiment.
Alors que Termokiss fête son quatrième anniversaire, l’équipe collabore désormais avec d’autres communautés locales des Balkans occidentaux pour les aider à entreprendre des initiatives similaires dans leur pays. Ces deux dernières années, l’équipe a participé à des projets à Tetovo, en Macédoine du Nord et à Tirana, en Albanie, où, avec les communautés locales, elle a redonné vie à des bâtisses abandonnées, désormais le théâtre d’activités sociales et culturelles reflétant les besoins de la communauté.

Comme l’affirme Erleta, des projets de ce genre donne un sens à la vie des jeunes et les aident à acquérir de nouvelles compétences et expériences. Dans un pays comme le Kosovo, un projet tel que Termokiss est pour les jeunes une source d’espoir et la possibilité d’un avenir productif dans son pays natal.

De l’avis de l’équipe Termokiss, de tels projets militants et citoyens sont vitaux pour l’avenir du pays. « Par le passé, on nous disait sans cesse ce qu'il fallait faire, et nous nous sentions inutiles. Grâce à Termokiss, les jeunes ont le sentiment de jouer un rôle concret et efficace dans notre société. L’heure est venue pour les jeunes de prendre des initiatives et de résoudre leurs propres problèmes. Nous en avons assez d’attendre des autres qu’ils le fassent à notre place », conclut Erleta

* Toutes les références au terme Kosovo sont entendues sans préjudice de la position concernant le statut du Kosovo et conformément à la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies et à l’avis de la CJI sur la déclaration d'indépendance du Kosovo.