Publika.ge ou comment informer les jeunes en Géorgie pendant la crise de la Covid-19

Le dernier-né des médias de Géorgie, Publika.ge, n’aura pas tardé à fidéliser un public toujours plus large, mais à l'image de nombreux autres médias dans le monde, la plateforme fait face à des difficultés sans précédent en cette période de pandémie.

Lika Zakashvili est rédactrice en chef de Publika.ge, un nouveau média en ligne lancé il y a tout juste cinq mois. La nouvelle plateforme s’est rapidement imposée comme une importante source d’informations de qualité et s’est depuis constitué un lectorat très attentif, composé de jeunes en quête du journalisme impartial que proposent Lika et son équipe de journalistes aguerris.

Lika et ses collègues n’avaient jamais pensé créer leur propre média. Elle a été pendant six ans rédactrice en chef d’un portail média, depuis disparu, Liberali.

Cependant, à l’été 2019, alors que la Géorgie est aux prises avec la contestation sociale et que la société civile et l’opposition organisent depuis des mois des manifestations pacifiques, Lika et ses collègues saisissent l’importance de leur liberté journalistique et quittent Liberali afin de lancer leur propre média.

Naissance d'un nouveau portail d’informations

Lika et ses collègues se sont alors mis à lever des fonds pour donner naissance à Publika.ge. Le groupe comprend, notamment, des journalistes récompensés qui avaient collaboré avec Liberali pendant de nombreuses années, à l’instar de Zura Vardiashvili, Tatia Khaliani, Salome Gorgodze, Alexandre Keshelashvili, Kristine Mujiri, Natia Amiransashvili et Mamuka Mgaloblishvili.

Les journalistes ont bénéficié d’un financement de démarrage accordé par le FEDEM, une aide qui leur a permis d’acquérir le matériel de base nécessaire, de couvrir leurs coûts d’exploitation et de payer les salaires pendant un temps.

Le lectorat relativement jeune des journalistes s’est rapidement tourné vers la nouvelle plateforme Publika.ge, avide de sujets couvrant les événements sociaux et politiques et de reportages sur des thématiques rarement abordées en Géorgie, d’autant que la plateforme n’aura pas tardé à endosser le rôle de gendarme des actions du gouvernement. Le lectorat de la plateforme s’élève désormais à près d’un demi-million de lecteurs, pour la plupart des jeunes âgés entre 25 et 45 ans. Quelques mois après le lancement de Publika.ge, Liberali mettait la clé sous la porte, incapable de continuer à fournir à ses lecteurs le contenu qu’ils recherchaient.

Difficultés en crise de Covid-19

L’épidémie de coronavirus a mis la plateforme à rude épreuve. Comme le fait remarquer Lika, s’est posée pour elle et ses confrères la question de l’éthique : comment fournir le travail de qualité et de précision que les lecteurs attendent tout en garantissant l’anonymat des patients touchés par le coronavirus?

Par ailleurs, débusquer les fausses informations dans le déluge de dépêches qui tombent chaque jour en période de crise de Covid-19 est un véritable défi pour Publika.ge qui met un point d'honneur à respecter les principes journalistiques les plus stricts. Elle explique comment de nombreux médias en Géorgie, se sont contentés de publier des informations sur la Covid-19, souvent sans en vérifier la source, disséminant ainsi des informations peu fiables et non vérifiées.

Les restrictions liées au confinement entrées en vigueur dans le pays le 22 mars ont eu de graves répercussions sur son équipe de journalistes. Durant les premières semaines de la crise, ces derniers ont continué à parcourir le pays pour mener leurs interviews, au mépris du danger. Ils travaillent désormais tous de chez eux, ce qui ne facilite pas la communication. Plusieurs de leurs nouvelles sources sont difficiles à joindre et ils doivent désormais se contenter d’appels téléphoniques et des moyens de communication en ligne.

Le portail fait de son mieux en cette période inédite pour publier des informations intéressantes et conserver son lectorat. Les journalistes continuent d’écrire sur l’actualité locale en Géorgie et dans les territoires occupés, sur l’actualité internationale et publient bien entendu des mises à jour régulières sur le coronavirus. Le portail publie également des blogs alimentés par des articles de qualité rédigés par des commentateurs très en vue qui traitent de sujets sociaux actuels, comme récemment des minorités tchétchènes en Géorgie. Certains articles récents comptabilisent plus de 100 000 lecteurs. Le compte Facebook du portail est suivi par plus de 40 000 internautes.

Il est difficile de survivre pour les médias indépendants en Géorgie. Il existe d’autres médias véritablement indépendants et de très grande qualité dans le pays, affichant une ligne éditoriale impartiale. Aujourd'hui, les recettes publicitaires sont au plus bas, se désole Lika. Même en période économique plus faste, les entreprises géorgiennes soutiennent rarement les médias indépendants. La survie de Publika.ge dépend de l’aide du FEDEM et de subventions plus modestes versées par d’autres donateurs. Lika se dit préoccupée par les difficultés économiques qui verront le jour en Géorgie suite à la crise de Covid-19. Pour elle et son équipe, ainsi que les rares autres médias dans le pays, la situation promet d’être compliquée.