Karine Davtyan
6 December 2019Défendre les droits des femmes de la région du Shirak en Arménie
Karine Davtyan est décrite par ses collègues comme une jeune femme déterminée et dévouée à la cause des femmes. Originaire de Gyumri dans la région du Shirak au nord-ouest de l’Arménie, Karine dirige l’ONG Women’s Rights House (WRH) qu’elle a fondée en 2017 avec son frère Kamo Davtyan, également acteur de la société civile, afin de défendre les droits des femmes et donner à ces dernières les moyens de participer à la vie politique.

Karine Davtyan est décrite par ses collègues comme une jeune femme déterminée et dévouée à la cause des femmes.
Originaire de Gyumri dans la région du Shirak au nord-ouest de l’Arménie, Karine dirige l’ONG Women’s Rights House (WRH) qu’elle a fondée en 2017 avec son frère Kamo Davtyan, également acteur de la société civile, afin de défendre les droits des femmes et donner à ces dernières les moyens de participer à la vie politique.
L’une des principales revendications de la Révolution de velours arménienne était une approche plus équilibrée du processus de prise de décision au sein du gouvernement et dans la vie publique. Aujourd'hui, seul un poste de ministre sur 17 est occupé par une femme et quelques rares femmes ont été nommées à des postes de responsabilité au sein du nouveau gouvernement. Les Arméniens ont élu la première femme maire, Diana Gasparyan, dans la ville d’Ejmiatsin en 2018.
En Arménie, les femmes sont souvent désavantagées tant sur le plan économique que politique, un phénomène d’autant plus marqué dans les zones régionales situées en dehors de la capitale du pays, Erevan, où les traditions patriarcales sont très ancrées. Les occasions pour les femmes de s’instruire ou de prendre le contrôle de leur propre vie et de participer au processus politique sont quasi inexistantes. Les organisations qui prennent ce genre d'initiative sont généralement basées à Erevan.
Face à ce constat, Karine a décidé d’agir pour améliorer la vie de ses concitoyennes. Après avoir vécu à l’étranger, puis à Erevan où elle travaillait en tant que bénévole dans un centre de défense des droits des femmes, elle a décidé de revenir vivre à Gyumri pour y fonder une organisation axée sur les femmes. Comme elle le dit, « J’ai grandi ici, je connais donc bien les difficultés que les femmes doivent affronter. Je voulais revenir et faire bouger les choses dans ma ville natale. »
Quand nous avons fondé WRH, nous avions trois objectifs : protéger les femmes contre les violences conjugales, donner aux femmes les moyens de faire valoir leurs droits, notamment leurs droits à l’éducation et au travail, et promouvoir la participation des femmes dans les processus décisionnels et gouvernementaux. Les deux dernières années ont prouvé qu’il y a une énorme demande pour ce type de travail à Gyumri.
Les violences conjugales sont un problème de taille dans ce petit pays de la région sud du Caucase. L’absence de législation dans ce domaine, ainsi que des taux de chômage élevés seraient les causes profondes de cette violence. La définition des rôles basés sur le sexe reste très rigide et les experts remarquent que de nombreux hommes, notamment dans les zones rurales, continuent de croire que leur supériorité inhérente leur donne un droit de propriété sur les femmes et les filles. Selon Karine, 40 femmes sont mortes sous les coups de leur mari ces quatre dernières années.
Le WRH dispense actuellement un programme d’information dans cinq communautés rurales afin de sensibiliser les femmes et les informer sur leurs droits et les effets délétères de la maltraitance. L’organisation reçoit les femmes en consultation et leur offre une aide juridique et psychologique. Elle organise des activités auto-thérapeutiques et donne des cours d’anglais pour les femmes et leurs filles.
« La plupart du temps, ces femmes ne sont pas informées. Si elles ont entendu parler de maltraitance physique, la notion de maltraitance psychologique ou sexuelle leur est étrangère. Elles ne connaissent pas leurs droits. Nous leur expliquons quels sont leurs droits. Nous leur donnons accès à l’information », explique Karine.
WRH s’attache également à améliorer la situation professionnelle des femmes et à éliminer les obstacles qu’elles rencontrent lorsqu’elles cherchent un emploi.
« Les chances d’entrer sur le marché du travail ici sont dérisoires pour les jeunes femmes », déplore Karine. « Il existe un droit du travail en Arménie mais les employeurs s’arrangent comme ils veulent. Les femmes sont généralement moins bien rémunérées que les hommes et les emplois qu’elles occupent sont médiocres. Les femmes sont jugées par leurs apparences et elles sont victimes de sexisme et de discrimination en fonction de l'âge. Les femmes ayant des enfants font aussi l’objet de discrimination. Nous recevons les femmes pour les informer sur leurs droits au titre de la réglementation du travail et nous leur présentons les mécanismes en place pour faire valoir leurs droits », poursuit Karine.
Le FEDEM soutient le travail de WRH dans sa mission d’aide aux femmes pour leur permettre de jouer un rôle accru en politique. Grâce à la subvention versée par le FEDEM, l’organisation a récemment organisé divers ateliers de formation sous l’intitulé « La place des femmes en politique », abordant des sujets variés tels que le leadership, le militantisme civique, les droits de l’homme et la politique. Ont été invités à ces rencontres des représentants politiques locaux et des militants civiques qui ont mis leurs compétences et leurs connaissances à profit afin de donner aux participantes les outils nécessaires pour résoudre leurs éventuels problèmes avec leur communauté.
Plusieurs participantes à ces ateliers ont ensuite pu mettre en œuvre leurs propositions afin de répondre à des besoins pressants au sein de leur quartier et communauté.
Amalya Khadunova était l’une d’elles et elle a depuis ouvert une aire de jeu écologique pour 30 enfants du village. Revenant sur son expérience lors de l’atelier, Amalya a déclaré : « La formation était exactement ce dont j’avais besoin, c’est exactement le genre d'initiative dont a besoin notre région. J’ai pu rencontrer des femmes politiques. J’ai même rencontré Diana Gasparyan, que j’admire tant. Cette formation m’a permis de préparer mon projet, un rêve que j’avais depuis longtemps. Je suis tellement contente d’avoir pu le mener à bien dans ma ville. Les ateliers m’ont apporté énormément, j’y ai beaucoup appris, comme la planification de projets, l’établissement des budgets, la gestion, la responsabilité et la transparence. Ça a été un formidable tremplin pour moi. J’aimerais maintenant être un jour candidate aux élections municipales. »
Les projets financés par le WRH sont très variés, notamment une initiative d’activités artisanales pour les femmes, une entreprise de marketing et une représentation théâtrale mettant en scène les différentes formes de discrimination contre les femmes.
Le WRH organise également des projets intercommunautaires dans le cadre desquels les participants se rendent dans différentes régions d’Arménie pour profiter des expériences positives d’autres chefs de projets et mettre en place un groupe de soutien collectif destiné à aider les femmes dans leurs futures initiatives.
Le WRH prévoit désormais d’entreprendre un audit afin d’établir les niveaux de discrimination sur le marché du travail au sein des entreprises privées et publiques.
Karine et ses collègues s'intéressent de près aux prochaines élections locales prévues en 2021. Elles souhaitent voir le plus de femmes possible participer activement à ces élections et voir davantage de femmes endosser des responsabilités au sein des conseils municipaux. Et qui sait, peut-être que l’une des participantes du WRH sera la prochaine femme maire, emboîtant le pas à Diana Gasparyan.