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Lilit Martirosyan

27 February 2020

Lutter pour les droits des personnes transgenres en Arménie

Courageuse militante, Lilit Martirosyan est déterminée à améliorer la vie des personnes transgenres en Arménie.

Lilit Martirosyan

En avril 2019, Lilit Martirosyan devenait le premier membre de la communauté LGBT arménienne à prendre la parole au Parlement en séance de sa Commission sur les droits de l’homme pour dénoncer la discrimination subie par les personnes transgenres.

Elle y a décrit une communauté victime de « tortures, de viols, d’enlèvements, de violences physiques, de brûlures par immolation, d’agressions au couteau, de tentatives de meurtre, d’assassinats, d’exil et de vol », affirmant qu’au moins 283 délits contre des personnes transgenres avaient été enregistrés jusqu’à l’année dernière. Une vidéo de son discours a été partagée dans le monde entier et largement reprise dans les médias internationaux.

Les propos de Lilit ont mis le feu aux poudres, suscitant des manifestations et des réactions très hostiles de la part de ses détracteurs qui n’ont pas hésité à lancer des appels à torture et à meurtre de Lilit, de sa famille et de ses collègues, et demandé la fermeture de l’ONG Right Side Human Rights Defender NGO qu’elle dirige. Les informations personnelles la concernant, comme son adresse, ont été publiées, obligeant cette dernière à déménager et à quitter momentanément le pays. Ce n’est pas la première fois que Lilit, première femme transgenre officielle en Arménie, reçoit des menaces de mort.

Si la Révolution de velours de 2018 a favorisé l’émergence d'un environnement démocratique dans le pays avec la tenue d’élections libres et une plus grande liberté d’expression, le conservatisme ne s’est jamais aussi bien porté et reste ancré à la fois dans le discours gouvernemental et dans la société en général. Défenseurs des droits de l'homme, membres des minorités et journalistes s’accordent pour dénoncer une montée des discours haineux, de la discrimination et d’autres formes d’agression et de harcèlement.

La vie pour les personnes transgenres en Arménie est loin d’être facile. Bien que l’homosexualité soit dépénalisée depuis 2003, la discrimination à l’égard des personnes LGBT est omniprésente. La fréquence des manifestions anti-LGBT s’est intensifiée ces dernières années devant l’Assemblée nationale, et des figures publiques et parlementaires ont même appelé de leur vœux de voir Lilit brûlée vive.

Évoquant ce qu’est la vie d'une personne transgenre en Arménie, Lilit décrit une « communauté constamment victime de crimes haineux, de discours haineux et de discrimination. L’Arménie est une société hétéronormative qui ne comprend pas notre identité de genre. Alors quand une femme transgenre comme moi parle ouvertement de nos problèmes, ils veulent me faire du mal, ils veulent me tuer. »

Le soutien du FEDEM a permis à l’ONG Right Side Human Rights Defender de se développer en une solide plateforme communautaire qui œuvre pour la défense des marginalisés d’Arménie et s’exprime en leur nom dans un pays où la rhétorique nationaliste et xénophobe se répand. L’ONG s’attache à sensibiliser les citoyens sur les questions relatives aux transgenres, faisant campagne sur les réseaux sociaux et collaborant avec des journalistes locaux. Elle forme, par ailleurs, les militants afin de les armer et de leur donner les compétences nécessaires pour défendre leurs droits.

Lilit et ses collègues peuvent d’ores et déjà se féliciter d’avoir remporté quelques belles victoires. « Suite à notre manifestation, il est désormais facile pour une personne transgenre de changer le nom figurant sur son passeport. Avant, c’était juste impossible. » En effet, Lilit fut le premier Arménien à avoir obtenu un passeport sous son nouveau nom, en 2015.

En décembre dernier, Lilit, accompagnée d’Ashot Gevorgyan, s’est rendue à Genève au nom de Right Side afin de présenter aux États membres des Nations unies des recommandations pour les droits LGBT en Arménie et faire du lobbying au Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH) lors du 3e cycle de la pré-session de l'Examen périodique universel (EPU). Durant son intervention, Lilit a souligné l’importance de voir les précédentes recommandations de l’EPU mises en œuvre en Arménie et de protéger les personnes LGBT contre la discrimination et la haine.

Durant son allocution, Lilit a demandé le développement d’une législation visant à interdire la discrimination basée sur l’orientation sexuelle et le genre en matière d’éducation, d’emploi, de soins de santé et de logement ; l’adoption d’une loi qui pénalise les discours haineux et l’incitation à la haine envers les personnes LGBT ; le retrait de la transsexualité de la liste des maladies conformément à la 11e version de la classification internationale des maladies de l’OMS ; et la suppression de l’obligation législative de changer de sexe pour la reconnaissance officielle du genre et le changement de marqueur d’égalité entre les sexes dans les documents.

Malgré les menaces personnelles dont elle fait l’objet, Lilit est déterminée à mener son combat jusqu’au bout pour défendre les droits des personnes transgenres en Arménie. Comme elle le dit elle-même, elle entend « rester en Arménie et poursuivre [son] travail car c’est vital pour la communauté transgenre ».