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Lobna Jeribi

28 March 2019

Améliorer la participation aux processus de décision en Tunisie

À travers son ONG Solidar, l'une des premières parlementaires de la Tunisie post-révolutionnaire met à profit son expérience universitaire et professionnelle pour améliorer le processus législatif du parlement actuel.

Lobna Jeribi Lobna Jeribi © EED

Lobna Jeribi faisait partie de cette cohorte de nouveaux députés élus au parlement tunisien en 2011 lors des premières élections libres du pays. Dans un sens, elle incarnait les nombreuses aspirations de la nouvelle Tunisie démocratique : elle avait suivi de hautes études scientifiques et de conseil, et conciliait formidablement sa vie professionnelle avec sa vie privée.

Elle n'avait aucunement prévu d'entrer en politique. Dotée d'un doctorat en ingénierie obtenu en France, elle avait débuté sa carrière comme maître de conférences et chercheuse à Lyon. Durant ses 12 années passées en France, il lui est arrivé d'avoir mauvaise conscience à l'idée de vivre dans un pays démocratique, voyant la Tunisie embourbée dans l'autoritarisme. « Nous n'étions pas des citoyens dans notre propre pays », regrette-t-elle. « Nous étions terrorisés. »

En 2003, elle retourne en Tunisie pour un emploi d'universitaire. Mais elle déchantera rapidement, constatant l'état désastreux de la recherche scientifique dans le pays. Elle s'établit alors à son compte, proposant des services de consultant en systèmes informatiques aux institutions publiques et aux entreprises. Là encore, elle n'a pu que constater les défaillances systémiques du système, comme la corruption et l'opacité dans la gestion des appels d'offres publics.

Le tournant décisif fut la révolution : « La révolution nous a apparu comme un véritable don. Ma génération attendait depuis si longtemps quelque chose qui se produisait enfin. »

Lobna a alors activement participé aux manifestations et après la chute du président Ben Ali, elle fut approchée par un parti politique lui proposant de se présenter aux premières élections démocratiques du pays. « Je n'avais jamais envisagé d'entrer en politique avant cela », reconnaît Lobna. Elle a élaboré le programme du parti pour l'éducation, la recherche et les institutions publiques, se confrontant pour la première aux défis liés à la communication politique avec le public.

En première ligne pour les droits des femmes

Numéro Deux de la liste de son parti, Lobna fut dûment élue au parlement en 2011, se retrouvant aux côtés de grandes figures du militantisme, « ces héros de l'opposition », comme elle aime à les appeler. C'était, de son propre aveu, une source de grande fierté. En plus de ses fonctions de députée, Lobna s'est également vu confier le poste de rapporteur de la Commission de finance parlementaire.

Tiraillée entre la nécessité de moderniser les institutions du pays et son rôle de maman d'un enfant de deux ans et demi à l'époque, Lobna s'est également battue pour que le Parlement se dote d'une garderie. « Il est important de faire passer le message. Nous étions à l'avant-garde en termes de droits des femmes. Il était essentiel de rendre le Parlement accessible aux femmes et doter ce dernier de sa propre garderie était un symbole fort. »

Malgré les résultats décevants obtenus par son parti aux élections, Lobna, qui a depuis démissionné de ses fonctions, reste impliquée dans la construction d'une Tunisie plus démocratique et dans le renforcement de ses institutions. Après avoir quitté le Parlement en 2014, Lobna a porté son attention sur les problèmes liés au processus législatif qu'elle avait rencontrés pendant son mandat de députée.

De par mon expérience professionnelle en tant que consultante, les lacunes au Parlement m'étaient apparues d'autant plus évidentes. Les partis politiques n'étaient pas structurés. Avec d'autres collègues, nous avons voulu créer une structure pour faciliter le travail législatif des députés, leur fournir des études, les aider. C'est ainsi qu'est né Solidar en 2015. »

Lobna explique que les députés n'avaient accès à aucune études sérieuses ni jalons de référence pour les aider à prendre des décisions et à voter des lois. Solidar cherche à combler ce vide et pour ce faire, l'ONG fournit des études et examine les propositions législatives afin de vérifier leur conformité avec les principes constitutionnels comme la justice sociale, l'égalité et la transparence.

Une start-up de la société civile

Le FEDEM a été le premier à soutenir Solidar. « Pour une structure émergente, le premier défi consiste à trouver son premier partenaire pour se lancer et être opérationnel. Une fois passé ce cap, il est toujours possible de trouver d'autres sources de financement », affirme Lobna. « Ce qui vaut pour les start-ups, vaut pour les organisations de la société civile. » Mais le FEDEM ne s'est pas contenté de fournir une aide pécuniaire à Solidar. Le Fonds a aidé Solidar à développer ses compétences dans l'élaboration de ses propositions techniques et sur le plan organisationnel, une valeur ajoutée qui a permis à l'organisation de prendre son envol sur des bases solides.

Travaillant avec des organisations nationales et la société civile, Solidar cherche à mettre le Parlement face à ses responsabilités et à renforcer la transparence de ses actes. Dans le même temps, l'organisation souhaite collaborer et travailler en étroite collaboration avec les comités parlementaires thématiques afin d'anticiper leurs besoins, de réaliser des études et de proposer des amendements aux projets de loi.

« À long terme, nous souhaitons devenir un partenaire stratégique pour le Parlement sur trois aspects fondamentaux », explique Lobna. « Les propositions de lois, l'adoption des lois et le contrôle et l'évaluation de l'appareil exécutif. »

C'est un programme ambitieux que Lobna aborde avec toute sa rigueur scientifique et son savoir-faire de conseillère, mais aussi avec la passion qui l'avait animée et poussée à descendre dans la rue pendant la révolution.

Par Sarah Crozier

Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM).