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Vrezh Varzhapetyan

21 August 2018

De l'orientation sexuelle et de l'identité de genre en Arménie

Un jeune artiste arménien s'attache à promouvoir les droits de ceux qui comptent parmi les plus touchés par la discrimination sociale – les hommes et les femmes transgenres.

Vrezh Varzhapetyan Vrezh Varzhapetyan © EED

Vrezh Varzhapetyan est un jeune homme de 23 ans, homosexuel déclaré et fier de l'être. Dans bien des pays, cela n'aurait rien d'exceptionnel, mais dans une Arménie conservatrice, déclarer ouvertement son homosexualité peut engendrer le rejet de sa propre famille, la discrimination institutionnelle, voire la violence. En 2017, l'Arménie a été classée avant-dernière en Europe en matière de droits pour les LGBT par ILGA-Europe, la branche européenne de l'association internationale lesbienne et gay. Et Vrezh est d'autant plus remarquable que non seulement il se bat pour les droits des homosexuels mais il participe aussi activement à la défense des droits des transgenres – une tranche de la population particulièrement touchée par la discrimination et l'exclusion.

Vrezh est devenu militant presque par défaut, simplement en ne cachant pas qui il est. « À 15 ans j'ai pris conscience que mon identité de genre et mes orientations sexuelles différaient de celles des autres – et rien que ça, c'est déjà une forme de militantisme dans mon pays », souligne Vrezh. Apprenant que son fils était homosexuel, sa mère l'envoya chez le psychologue. S'en sont ensuivies des années de brimades à l'école, et une fois à l'université où il étudiait le théâtre, il était le seul étudiant à avoir ouvertement déclaré son homosexualité. Mais être pionnier comporte des risques : outre l'hostilité affichée par les étudiants comme les enseignants, il a été agressé au couteau une nuit par un groupe qui n'a pas hésité à lui couper le doigt (qu'il a pu se faire greffer, mais le traumatisme émotionnel reste très vif).

Tout cela n'a fait que renforcer la détermination de Vrezh à se battre pour ses droits et ceux des autres. Sa rencontre décisive avec une militante transgenre charismatique Lilit Martirosyan aura suffi à Vrezh pour s'engager dans la défense des droits des personnes transgenres. « En Arménie, la question des LGB [lesbiennes, gays, bisexuels] est souvent abordée, mais on ne parle jamais des transgenres », explique Vrezh. « Ma rencontre avec Lilit, la première femme transgenre à travailler étroitement avec le ministère de la Justice, m'a fait l'effet d'un choc : je n'avais jamais imaginé qu'une telle personne pouvait vivre en Arménie. » Vrezh travaille maintenant pour Right Side, une ONG dirigée par Lilit et soutenue par le FEDEM. Il est responsable de l'administration et de la planification, et intervient également bénévolement en tant que mobilisateur communautaire. Bien qu'il ne soit pas transgenre lui-même, Vrezh peut, comme il aime à le dire, être un précieux allié dans ce combat.

Formation et sensibilisation au service de l'inclusion

« De nombreux transgenres finissent par devenir des travailleurs du sexe », poursuit Vrezh. « Nous disons aux gens qu'il n'y a pas à avoir honte de faire ce travail, mais beaucoup de transgenres le font à contrecœur. » L'une des activités de Right Side consiste à organiser des ateliers de couture et de maquillage pour former les personnes transgenres à d'autres formes de travail. Ils reçoivent en fin de formation un diplôme attestant de leurs compétences.

Le FEDEM a également soutenu une formation organisée pour les personnes transgenres qui prévoyait des discussions sur les droits de l'homme et des ateliers de développement des compétences. Le nouveau gouvernement avait d'ailleurs été convié à cet événement « Le gouvernement est désormais composé de nombreux jeunes représentants politiques », précise Vrezh. « Le chef d'état-major, Eduard Aghajanyan, est un DJ qui s'est déjà produit lors de concerts organisés dans des lieux ouverts aux homosexuels. Mais si le gouvernement a changé, les mentalités de la société elles n'ont pas suivi. » Vrezh cite de récentes manifestations anti-Pride et des attaques sur les réseaux sociaux à l'encontre du Premier ministre Nikol Pashinian que lui a valu son apparition en public aux côtés d'Elton John.

Vrezh a également participé à des campagnes de sensibilisation publique, réalisant des vidéos sur l'orientation sexuelle et l'identité du genre afin d'éliminer les barrières et de surmonter les préjugés dans la société arménienne. Il apparaît lui-même dans une vidéo, ce qui a eu des répercussions à la fois positives et négatives.

Devenue virale, la vidéo a été visionnée par certains membres de sa famille qui n'étaient pas conscients de son homosexualité et qui n'ont pas manqué de s'en émouvoir auprès de sa famille immédiate qui commençait à l'accepter tel qu'il est. Dans le même temps, reconnaissant Vrezh, des passants l'ont interpelé pour le féliciter et le remercier pour sa bravoure, ajoutant qu'il leur avait donné du courage.

L'action militante de Vrezh consiste parfois à simplement aller vers les gens pour leur parler. Il aime citer l'exemple d'un bar à Erevan, dont il avait immédiatement adoré le décor dès sa première visite. Il voulait que cet endroit devienne un lieu où il pourrait retrouver ses amis homosexuels et transgenres. « Les uns après les autres, j'ai commencé à parler aux gens pour leur montrer que je n'étais pas la personne qu'il pouvait s'imaginer », explique Vrezh. « Dès qu'ils ont vu une personne transgenre de face, leur phobie s'est immédiatement dissipée. » Et maintenant, ce bar accueille volontiers les homosexuels et les personnes transgenres.

Bien chez soi

Aussi impliqué soit-il dans cette cause, le travail qu'il effectue pour l'ONG reste pour Vrezh un moyen et non une carrière en soi. Il n'en a pas moins envie de poursuivre ses ambitions artistiques. Influencé par les artistes et réalisateurs d'envergure internationale, comme Marina Abramovich, Xavier Dolan et Quentin Tarantino, Vrezh s'est tourné vers les arts de la scène, la réalisation, le graphisme et la composition musicale. Il est bien déterminé à obtenir un diplôme en arts malgré les obstacles qu'il doit surmonter.

Vrezh a une multitude d'amis dans les communautés homosexuelle et transgenre en Armenia et il regrette de les voir si nombreux chercher à migrer dans des pays où leur orientation sexuelle et identité de genre seraient mieux acceptées. S'il est bien conscient que les choses sont plus faciles à l'étranger, il rêve de pouvoir mener sa carrière dans son pays, en Arménie :

J'aspire à un pays dans lequel il n'y a plus de transphobie, ni d'homophobie, un pays dans lequel je peux travailler et parler ma langue maternelle."

Par Sarah Crozier

Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM).