Ksenia Nezhivaya
9 August 2018Valoriser le potentiel des jeunes de Pavlograd
Une psychologue ukrainienne encourage les jeunes à acquérir des compétences organisationnelles et personnelles à travers la mise en œuvre d'activités citoyennes au sein de leurs communautés.

« Pendant mes études de psychologie, j'ai travaillé dans cinq structures différentes. Cette expérience, combinée à mes connaissances, m'a poussée à m'intéresser au comportement et au lien que ce dernier entretient avec l'éducation reçue. J'ai voulu comprendre pourquoi certaines personnes restent confinées à certains types d'emplois alors qu'elles ont le potentiel de faire autre chose », explique Ksenia Nezhivaya.
Ce concept trouve une forte résonnance chez Ksenia, ayant elle-même bifurqué à plusieurs reprises et changé de voie dans sa vie personnelle et professionnelle, à commencer par ses études de chimie qu'elle a quittées au bout de deux semaines, s'étant rendu compte que ce n'était pas ce qu'elle voulait faire, s'inscrivant l'année suivante en psychologie.
Alors qu'est-ce qui nous empêche de réaliser notre vrai potentiel ? Comment prendre le contrôle de notre destin ? Une intervention précoce dans la vie des gens pourrait-elle influer sur leur future réussite ? Ce fil directeur n'a plus quitté Ksenia après ses études et son entrée dans la vie active dans une crèche de Dnipropetrovsk, une région d'Ukraine économiquement sinistrée.
« Là-bas, j'ai pu constater que les enfants ont les mêmes problèmes que les adultes et que les problèmes des adultes sont liés à leur place dans la société », affirme Ksenia. « J'avais très envie de rester travailler à la crèche pour essayer d'améliorer la situation, mais mon rôle y était limité et je ne pouvais pas faire ce qui me semblait nécessaire pour apporter un réel changement. »
C'est pendant une formation à l'espace Impact Hub d'Odessa que Ksenia a commencé à voir se dessiner la manière dont elle pourrait agir et intervenir : « J'ai rencontré là-bas des tas de jeunes gens cultivés et motivés. Ils n'avaient rien à voir avec les jeunes de ma ville. C'est ce qui m'a donné envie de me focaliser sur les jeunes et d'essayer de développer ma ville, et moi-même par la même occasion. »
De cette décision, est née l'ONG Art Prostir Fainohrad, qui porte des projets de militantisme citoyen qui mobilisent les jeunes et les incitent à provoquer des changements positifs.
« L'une de nos premières activités a consisté à organiser des ateliers dans des espaces ouverts », raconte Ksenia. « Nous avions réunis des jeunes et des habitants du quartier afin de permettre à de jeunes gens plein de talent de participer à des événements musicaux ou littéraires. »
Avec le bouche à oreille, de nouveaux membres nous ont rejoints, tandis que les bénévoles des premières heures s'impliquaient plus activement dans l'initiative.
« Pour vous citer un exemple, ils avaient plein l'idées créatives pour l'organisation d'un événement à grande échelle pour la Journée de l'Europe au mois de mai. Ils avaient suggéré un événement organisé dans plusieurs villes prévoyant des activités comme le tir à l'arc, un cours de peinture, un atelier de coiffure et du lancer de couteaux », poursuit Ksenia. « Nous avions organisé un pique-nique, pas dans notre ville mais dans un village, auquel participèrent plus de 300 personnes. »
« Les idées ne cessent de germer et nous voulons les concrétiser en activités de plus grande envergure. Nos bénévoles sont très volontaires », annonce-t-elle non sans fierté. Une subvention versée par le FEDEM a permis d'étendre le réseau de jeunes activistes et de financer leurs différents projets.
Encadrement et motivation
Mais travailler avec les jeunes n'est pas un long fleuve tranquille. « Ce qui est frappant, c'est que les jeunes ne veulent rien faire seuls, ils veulent qu'on les dirige », précise Ksenia. C'est pourquoi l'initiative ne se contente pas de réunir les jeunes mais elle les encadre et les forme à mener à bien leurs projets. C'est un aspect essentiel. « Ils oublient toujours tout, ils ont besoin de coordination », précise-t-elle. « C'est très intéressant à observer. »
« Certains d'entre eux se contentent de venir nous voir juste pour passer du temps avec nous, mais au moins on reste en contact », reprend Ksenia. « Ils savent qu'ils peuvent venir passer un moment agréable dans notre organisation. Mais nous devons leur montrer la voie, leur faire comprendre que l'idée n'est pas seulement de passer du bon temps mais d'acquérir de l'expérience, d'apprendre à travers la pratique et d'atteindre une maturité en agissant pour les autres. »
La motivation parmi les bénévoles est aussi très variable, regrette Ksenia. Certains sont très responsables, aident les autres quand ils ont terminé leur propre travail et en demandent encore, et puis il y a ceux qui se contentent de faire ce qu'ils ont à faire, sans aller plus loin.
C'est pour cela que Ksenia et ses collègues s'attachent à toujours fournir des retours d'informations après chaque activité. « Nous passons en revue les éléments positifs et les lacunes, leurs atouts et leurs faiblesses » explique Ksenia. « Mais surtout, nous insistons sur le fait que quoi qu'ils fassent, ils le font pour leur bien, ils le font pour acquérir une expérience qui leur sera utile plus tard, dans la vie. »
Investir dans l'avenir
Art Prostir Fainohrad organise également des séances de formation sur l'éducation aux médias, la pensée critique, l'égalité entre les sexes et la communication non violente. L'organisation cherche à encourager une génération de jeunes mieux armés pour naviguer dans le monde qui les entoure, pour accroître leurs chances de s'en sortir dans la vie et pour contribuer à leur communauté par le biais d'initiatives citoyennes.
« Ce faisant, nous participons à l'évolution de la société toute entière », conclut Ksenia.
Je suis convaincue que si une personne change, elle en changera d'autres et les résultats à long terme seront positifs. C'est un travail de longue haleine, mais il portera ses fruits et la société se portera mieux. »
Par Sarah Crozier
Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM).