Vitaly Furmanyuk
12 July 2018Éradiquer la corruption en milieu scolaire en Ukraine
Un père de famille de Kryvyi Rih fait campagne pour l'obtention de ressources et une meilleure gestion dans les écoles d'Ukraine afin d'éviter les abus et l'exploitation des enfants.

« Le 1er avril 2014, j'ai été mobilisé par l'armée » raconte Vitaly Furmanyuk, père de deux enfants, alors mécanicien de maintenance ferroviaire à Kryvyi Rih, dans la région de Dnipropetrovsk. « Je n'ai pas été envoyé au front et pendant mon service à l'armée, j'ai eu le temps de réfléchir à ma vie, à mes valeurs et au monde dans lequel j'aimerais que mes enfants grandissent. »
De retour à la vie civile en mars 2015, Vitaly commence à porter un regard neuf sur son quartier, animé par l'envie de contribuer à une société meilleure pour ses filles.
Vitaly avait déjà conscience des failles du système éducatif en Ukraine. Son aînée étant atteinte du syndrome de Down, Vitaly et son épouse, avaient opté il y a déjà plusieurs années pour l'enseignement à la maison, refusant de l'inscrire dans un institut spécialisé.
Des pratiques douteuses
En septembre 2015, alors que sa plus jeune fille rentre à l'école, Vitaly constate que l'établissement néglige certaines choses, à commencer par la réunion de pré-rentrée pour les parents, qui n'a jamais eu lieu. Par ailleurs, plusieurs voix s'élèvent contre le manque de transparence concernant les dons que les parents sont censés verser à l'association des parents d'élèves. « J'ai commencé à me poser des questions car l'argent n'était pas collecté conformément à la loi », explique Vitaly. « Les associations de parents d'élèves sont des ONG et en tant que telles elles ne sont pas autorisées à entreprendre des activités commerciales dans les établissements scolaires. »
Après quelques tentatives infructueuses de communication avec l'école, Vitaly décide avec d'autres parents de créer une ONG, Osnovi Svidomosti (qui signifie « La base de la confiance ») afin d'avoir de meilleures chances de se faire entendre et d'interpeler les services municipaux.
Les gens sont conscients qu'il y a un problème avec l'éducation et la corruption mais ce qui m'a surpris, c'est que les ONG ne semblent pas concernées, ni préoccupées par le sujet », déplore Vitaly.
Osnovi Svidomosti a bénéficié d'un financement de démarrage accordé par le FEDEM et d'une formation de renforcement des compétences visant à aider les fondateurs à naviguer dans ce qui était un domaine d'activité totalement nouveau pour eux.
Vitaly et ses pairs se sont vite rendu compte que de nombreuses écoles disposent de peu, voire d'aucun budget pour les fournitures d'entretien de base, comme les produits de nettoyage. Face à cette situation, les écoles doivent se tourner vers les parents pour obtenir les fonds nécessaires.
« Toutes les écoles qui collectent des fonds auprès des parents ne se livrent pas à des malversations », tient à préciser Vitaly. « Certaines dépensent l'argent à bon escient, pour véritablement améliorer la situation. » Mais il a eu vent de cas où les directions d'écoles étaient incapables de justifier l'utilisation faite de sommes pouvant aller jusqu'à 300 000 Hryvnia (10 000€) en dons des parents. Il est délicat pour les parents de refuser de faire un don. « Ils craignent de voir leur enfant pénalisé ou montré du doigt s'ils ne donnent rien ou critiquent les pratiques abusives », poursuit Vitaly.
Pour remédier à cette situation, l'ONG de Vitaly a déposé une pétition auprès de la mairie et collecté 20 millions de Hryvnia supplémentaires (près de 650 000€) de fonds destinés à quelque 330 établissements scolaires de la région. « Mais ça ne suffit pas », déclare Vitaly. « Avec le service de la ville chargé de l'éducation, nous essayons maintenant de chiffrer les sommes dont a besoin chaque école. Les écoles ont une interprétation très disparate de leurs besoins, sans règle précise. Nous essayons de diffuser des informations afin de convaincre le ministère de l'Éducation d'adopter une structure de financement élémentaire pour l'entretien des établissements. »
Protéger les droits des enfants
Osnovi Svidomosti s'attache également à protéger les droits des enfants dans les écoles. Ceux-ci sont régulièrement réquisitionnés pendant les heures de cours pour exécuter des tâches de labeur, comme le nettoyage de la cantine. « Même si les enfants sont parfois heureux de louper les cours, cette pratique n'est pas acceptable. Nous sommes tellement habitués à de telles situations que même les personnes averties comme les militants ne les considèrent pas comme un abus. Mais les enfants qui ratent des cours doivent rattraper leur retard en prenant des cours particuliers. »
L'an passé, Vitaly s'est occupé d'une affaire où pendant les vacances scolaires, les enfants, sous couvert d'« expérience professionnelle obligatoire », étaient obligés de venir nettoyer certaines zones de leur école, une tâche pourtant censée être assurée par le personnel d'entretien. Il n'est cependant pas toujours facile de convaincre les autorités de prendre de tels abus au sérieux. « La police n'a pas voulu donné suite et nous avons dû demander une enquête auprès du tribunal, explique Vitaly. « J'ai été entendu comme plaignant il y a à peine un mois, presque un an après avoir déposé plainte. Il y a donc de fortes chances pour que le directeur de l'école reste en fonction une année supplémentaire. »
Nombre des problèmes identifiés par Vitaly exigent un changement de mentalité et d'attitude. Le FEDEM continue de soutenir Osnovi Svidomosti pour son travail de sensibilisation et dans sa volonté d'apporter des améliorations généralisées.
L'action de Vitaly est essentiellement motivée par sa qualité de parent. Mais seul, il serait impuissant.
« Je dois trouver des parents qui partagent mes préoccupations et nous devons unir nos forces. L'intention n'est pas de tout dénigrer mais de nous organiser pour obtenir plus de financement, pour établir des règles et pour interdire cette pratique abusive qui consiste à confier aux enfants des travaux en tout genre. »
Son objectif est simple : « Nous ne cherchons pas à aboutir à des condamnations, nous voulons juste que cessent ces pratiques. »
Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM).