Polina Cupcea
24 October 2017L'injustice généralisée en Moldavie mise en lumière
Une nouvelle initiative s'attache à attirer l'attention sur les préjudices subis par les citoyens les plus vulnérables du pays, et fournit à ces derniers un moyen d'exprimer leurs critiques et de défendre leurs droits.

Une nouvelle initiative s'attache à attirer l'attention sur les préjudices subis par les citoyens les plus vulnérables du pays, et fournit à ces derniers un moyen d'exprimer leurs critiques et de défendre leurs droits.
Après avoir suivi une formation pour devenir actrice, Polina Cupcea a bifurqué vers une autre voie.
« Le journalisme m'a permis non seulement de mettre à profit mes talents de rédactrice mais aussi de faire bouger les lignes en dénonçant les abus du pouvoir institutionnel, les atteintes aux droits de l'homme et d'autres formes d'injustice », explique Polina.
Cependant, le paysage médiatique en Moldavie étant largement dominé par le journalisme à sensation et par des agendas et des événements électoralistes dans la capitale de Chisinau, il n'aura pas fallu longtemps à Polina pour constater que les organisations médiatiques traditionnelles ne lui permettraient pas de couvrir des sujets plus graves qui touchent les citoyens ordinaires des zones rurales isolées.
Je viens moi-même d'une famille modeste et je sais ce que sont les préjugés sociaux. Je voulais que le segment de la population le plus négligé par les autorités, par les médias et par la société elle-même puisse se faire entendre. »
Elle a donc pris la décision audacieuse de quitter son emploi pour se consacrer au développement d'un média privilégiant les histoires et expériences individuelles qui, sans cela, passeraient totalement inaperçues. Avec deux autres journalistes qui partagent la même vision qu'elle, Polina a fait naître 'Oameni și Kilometri', un projet qui lui tenait à cœur et qui a pu se concrétiser grâce à une aide de l'EED.
'Oameni și Kilometri' signifie en Roumain « Des gens et des kilomètres ». Le nom du projet traduit l'intérêt qu'il porte aux gens et à leurs expériences personnelles, et renvoie à la distance figurative parcourue par les protagonistes dans leur combat pour faire valoir leurs droits, ainsi qu'aux kilomètres parcourus par les journalistes en quête de leurs sujets. À ce jour, les reporters ont couvert une distance de plus de dix-mille kilomètres depuis qu'ils se sont lancés dans cette ambitieuse entreprise, il y a dix mois.
Les récits qui sont relatés non seulement transcendent les frontières des reportages conventionnels en Moldavie, permettant aux lecteurs de s'immerger totalement dans les vies, les joies et les peines de Moldaves marginalisés et souvent indigents, mais sensibilisent les lecteurs et obligent les autorités à faire face à leurs responsabilités.
La défiance à l'égard des autorités et le manque d'informations sur leurs droits desservent les habitants des régions reculées souvent privés de moyens de recours effectifs.
Une histoire publiée par Oameni și Kilometri à propos d'un petit garçon prénommé Gosa vivant dans la campagne moldave et du combat de sa maman pour l'inscrire dans une école maternelle, est emblématique de l'impact que les médias peuvent avoir en faveur de ceux qui sont trompés et lésés.
Pendant trois mois, Maria n'a cessé de se battre pour que son fils ait le droit d'aller à l'école maternelle. Son appel avait été rejeté par les services administratifs de l'école au prétexte d'une épidémie de varicelle.
Certaines écoles en Moldavie sont confrontées à un manque cruel de fonds et dépendent des contributions versées par les parents pour combler leurs déficits budgétaires. Elles préfèrent donc rejeter les enfants issus de familles pauvres.
Après sa publication, l'histoire a fait parler d'elle et interpelé les autorités. Une enquête approfondie a révélé que ce cas était loin d'être isolé. Un certain nombre d'écoles en zones rurales avaient adopté des pratiques similaires discriminatoires à l'égard des enfants issus de familles défavorisées.
Grâce aux révélations d'Oameni Si Kilometri, le cas de Gosa s'est soldé par une issue heureuse : il a été accepté à l'école où il suit une scolarité gratuite avec les enfants de son âge.
Le travail de l'organisation est désormais connu dans le pays, et les médias grand public reprennent souvent ses sujets.
« La réaction du public à nos articles est très positive, donnant lieu parfois à une formidable mobilisation, certains lecteurs offrant d'aider financièrement ou en nature les protagonistes de nos articles. »
La réputation des journalistes les précède, même auprès des autorités compétentes et de leurs agents officiels. De fait, en arrivant récemment dans une petite ville rurale, l'équipe de journalistes fut accueillie par un maire conciliant et désireux de régler tout litige sur lequel elle était venue enquêter pour s'éviter une mauvaise publicité.
Polina voit les choses en grand s'agissant de l'avenir de l'organisation. La journaliste et ses collaborateurs souhaitent amplifier l'impact d'Oameni Si Kilometri en agrandissant son équipe et en encourageant d'autres organes médiatiques à employer leurs méthodes afin de dénoncer les abus et controverses à travers le prisme de récits et de témoignages personnels.
Mais avant tout, je voudrais que nos histoires suscitent un mouvement populaire incitant les Moldaves à se mobiliser pour favoriser le changement et en finir avec les politiques qui ont nui au pays et surtout aux catégories les plus vulnérables de la population. »
Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle de l’EED (European Endowment for Democracy).