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Abdulnassir Baghdadi

3 March 2017

Rétablir la confiance dans la transition démocratique de la Libye

Dans le pays volatile qu’est la Libye, un groupe de militants s’efforce de préserver les idéaux démocratiques de la révolution de 2011.

Abdulnassir Baghdadi Abdulnassir Baghdadi © Małgorzata & Krzysztof Pacuła

Quand on regarde la Libye aujourd'hui, il est difficile d’être optimiste.

Six ans après le soulèvement et la guerre civile qui s’en est suivie et qui a renversé Mouammar Kadhafi, le pays reste aux prises d’un profond chaos.

Les factions ennemies continuent de semer l’instabilité dans ce pays riche en pétrole d’Afrique du Nord, avec une milice armée régulièrement montrée du doigt pour ses exactions contre des représentants politiques, des journalistes, des juges, des militants et des citoyens ordinaires. L’État islamique et d’autres groupes djihadistes contrôlent de vastes zones du territoire libyen. Le conflit a causé le déplacement de près d’un demi-million de personnes. La situation économique est désastreuse, le peuple souffre de la pénurie de nourriture et de médicaments, et le spectre d’une guerre civile généralisée menace lourdement.

Dans ce chaos, un petit nombre d’organisations de la société civile fait fi des difficultés - et des menaces - pour instiller un nouveau souffle sur le système de gouvernance anémique et endiguer la désillusion croissante des Libyens à l’égard de la révolution du Printemps arabe dans leur pays.

Parmi elles, National Caucus for Fezzan, établi dans la région de Fezzan, dans le sud-ouest du pays.

« Nous voulons restaurer la confiance dans la transition démocratique libyenne », déclare Abdulnassir Baghdadi, membre fondateur du groupe. « Une vague d’enthousiasme a submergé notre pays après la révolution. La première élection démocratique de 2012 a été largement vécue et célébrée comme une cérémonie de mariage. Mais aujourd’hui, les Libyens sont profondément déçus. »

National Caucus for Fezzan a été fondé fin 2011, peu de temps après la mort de Mouammar Kadhafi.

Pour M. Baghdadi, ancien professeur d’arabe, le mouvement naissant de la société civile a séduit de nombreux intellectuels et citoyens éduqués libyens au lendemain de la révolution.

« Ils voulaient agir pour la reconstruction du pays et ont vu dans la société civile l'occasion de le faire sans violence », explique-t-il.

L’organisation s’est rapidement imposée dans la région de Fezzan après avoir organisé une série de conférences inaugurales sur la démocratie auxquelles ont participé plusieurs intervenants libyens de renom.

M. Baghdadi et ses collègues se sont ensuite lancés dans une campagne de sept mois afin de sensibiliser la population sur la démocratie, les droits de l’homme et la liberté de parole dans l’ensemble de la région de Fezzan.

« Nous nous sommes rendus dans des zones qui n’avaient aucune idée de ce qu’était la société civile » se rappelle-t-il. « Nous sommes allés parler à des habitants de bidonvilles pour leur expliquer ce que ça signifiait d’être un citoyen et leur parler de choses qu’ils n’imaginaient pas. »

Le groupe s’est ensuite adressé aux habitants de la zone de Bani Walid, l’ancien bastion de Mouammar Kadhafi dans le nord-ouest du pays.

Nous étions la toute première organisation de la société civile à opérer dans la région. C’était pour nous un accomplissement majeur

Le groupe travaille également étroitement avec les gouvernements locaux pour améliorer les pratiques de gouvernance et intervient en tant que conseiller auprès de l’Assemblée chargée de la rédaction de la constitution du pays. Plombée par des désaccords internes, l’Assemblée doit encore finaliser le texte préliminaire de la constitution.

« Nous avons mené une étude auprès des citoyens libyens afin de connaître leur vision pour la nouvelle constitution, puis avons présenté les résultats au comité », confie M. Baghdadi. « Nous contrôlons maintenant le travail de la Commission et intervenons en tant que médiateur entre les membres en désaccord. »

M. Baghdadi est douloureusement conscient des obstacles qui entravent le travail des militants de la société civile en Libye.

Alors que les groupes armés continuent de pousser dans tout le pays, tout déplacement en dehors de leur ville est devenu une opération très risquée pour les militants. L’aspect financier aussi est une préoccupation majeure.

National Caucus for Fezzan a bénéficié du soutien financier de l’EED et d’autres donateurs étrangers. Comme le souligne M. Baghdadi, l’aide versée par l’EED, en particulier, a servi à couvrir les salaires du personnel et a permis d’assurer la continuité des activités de l’organisation.

La situation financière du groupe, toutefois, reste précaire.

« Le financement étant limité, nous ne disposons pas de bureau » précise-t-il. « Notre financement étant généralement dépendant de nos programmes spécifiques, nous devons changer de locaux à peu près tous les six mois. Il nous arrive de rester plusieurs mois sans bureau. »

L’organisation n’est plus en mesure de poursuivre la rédaction de son bulletin d'information mensuel et ne disposait même pas des fonds nécessaires pour publier ses rapports annuels.

Mais M. Baghdadi se dit confiant, persuadé que l’organisation survivra « quoi qu'il advienne ».

« Nous refusons de prendre les armes, c’est notre manière de servir la Libye et le peuple libyen », entonne-t-il.

À la question de savoir s’il pense que l’action du groupe a un impact tangible, M. Baghdadi esquisse un sourire résigné.

« Pendant 40 ans, les Libyens ont laissé faire les choses, sans jamais intervenir dans le processus politique de leur pays », répond-il. « Il est encore trop tôt pour parler d’améliorations concrètes, mais nous gardons espoir. »

Par Claire Bigg

Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle de l’EED (European Endowment for Democracy).