Ammar Youzbachi
10 February 2017Donner de l’espoir aux réfugiés palestiniens au Liban
Les jeunes réfugiés échoués dans les camps surpeuplés du Liban connaissent des conditions de vie terribles rendues plus difficiles encore par l’absence de perspectives favorables dans leur pays d’accueil. Mais un club de jeunesse palestinien est bien décidé à changer cette situation.

Travailleur humanitaire chez Mercy Corps, Ammar Youzbachi est chargé d’aider les Syriens déplacés par la guerre à s’adapter à leur nouvelle vie au Liban.
C’est une tâche difficile qui exige de ce résident de Beyrouth de 33 ans qu’il passe la majeure partie de sa semaine dans les camps surpeuplés et en situation de grande pauvreté.
Ammar a peu de temps pour décompresser. Au lieu de se détendre avec sa famille les week-ends, il fait son sac et part pour un camp situé dans le nord du pays.
« Je me rends au camp de Baddawi toutes les semaines, du vendredi au dimanche. C’est la cause de disputes incessantes avec mon épouse ! », ironise-t-il.
Ammar Youzbachi est Palestinien. Il est né et a grandi dans le camp de Baddawi, établi en 1955 pour accueillir les Palestiniens qui avaient fui le conflit de 1948 avec Israël, et plus tard l'occupation de la rive gauche de la Bande de Gaza.
Il est depuis longtemps bénévole à l'Arab Palestinian Cultural Club, une organisation qui aident les jeunes résidents du camp de Baddawi à rompre le cycle de la pauvreté et de l'isolement.
« Nous encourageons les jeunes à être plus actifs », explique Ammar, porte-parole du club. « Nous voulons les aider à construire leur avenir et à jouer un rôle plus actif dans la société. »
Près de 450 000 Palestiniens vivent actuellement au Liban, dont plus de la moitié dans des camps. Ils représentent pas moins de 10 % de la population du pays. Et si nombre d'entre eux sont nés sur le sol libanais, leur statut reste précaire.
Tout comme les 12 camps de réfugiés que compte le Liban, Baddawi s'est développé en une micro-ville en proie à des conditions de vie difficiles, au chômage, à une infrastructure déficiente et parfois à la violence. Le camp abrite quelque 50 000 habitants entassés sur une surface couvrant à peine un kilomètre carré.
Faute de système de gouvernance officielle, les camps sont essentiellement auto-administrés. Chaque camp est dirigé par un comité public composé de représentants nommés par différents partis politiques. En règle générale, les jeunes réfugiés sont systématiquement exclus des processus de décision.
L'Arab Palestinian Cultural Club, fondé en 1996 par un groupe d'étudiants universitaires réfugiés, a dû se battre pour mieux faire entendre la voix des jeunes Palestiniens du camp de Baddawi.
« J'avais 13 ans quand je suis entré au club. C'était pour moi l'endroit le plus cool de la Terre », se rappelle Ammar, non sans une certaine nostalgie. « J'y ai vu des jeunes d'une vingtaine d'années prendre le microphone et parler des problèmes que rencontraient les jeunes réfugiés. C'était quelque chose d'entièrement nouveau pour moi, je n'avais encore jamais vu de jeunes prendre la parole en public. »
Au cours des 20 dernières années, le club a séduit un grand nombre de résidents du camp de Baddawi grâce aux activités variées qu’il organise pour les jeunes et à la culture de solidarité qu’il a fait naître au sein du camp.
Ses représentants ne peuvent toujours pas siéger au comité public du camp, mais, comme le dit Ammar, le club est désormais écouté et pèse sur les décisions importantes.
« Nous avons de l’influence sans être liés à un parti politique » précise-t-il. « Nous sommes systématiquement invités à prendre part aux discussions quand il y a des problèmes à résoudre au sein du camp. Nous ne pouvons pas changer le mode de fonctionnement interne des comités publics, mais nous avons changé la manière dont sont prises les décisions au camp en mettant en avant nos solutions. »
La vie pour un réfugié palestinien n’est pas beaucoup plus facile hors des camps.
Ammar est un privilégié. Deux de ses grands-parents étant de nationalité libanaise, il possède un passeport libanais et bénéficie de certains droits dont sont privés les réfugiés.
Bien que nombre d’entre eux possèdent un diplôme universitaire, ils ne peuvent prétendre à un emploi légal au Liban et en sont donc réduits à accepter des emplois subalternes et sous-payés. Ils ne peuvent accéder à la propriété et leur statut de réfugié leur interdit de quitter le pays.
Un autre problème pour les réfugiés palestiniens au Liban, est la franche hostilité affichée par de nombreux autochtones – un héritage de la Guerre civile meurtrière du Liban qui sévit entre 1975 et 1990, amorcée par les militants palestiniens.
Comme l’explique Ammar, son club, qui compte des membres libanais et syriens, a œuvré pour changer la perception selon laquelle les réfugiés seraient un fardeau pour la société libanaise.
Des bénévoles comme Ammar jouent un rôle crucial pour lutter contre la radicalisation des jeunes réfugiés.
Marginalisés et sans réelles perspectives au Liban, ils sont une proie facile pour les groupes extrémistes islamiques qui opèrent dans le pays.
« S'ils ne viennent pas dans notre club, ils iront ailleurs », confie Ammar. « Ils ressentent une énorme frustration et ont beaucoup de temps libre. Si on ne les aide pas à passer le temps, d’autres s’en chargeront. »
Le club à Baddawi est ouvert tous les jours jusqu’à minuit. Il possède un club de football, un café et un studio d’enregistrement rudimentaire, et 50 professionnels bénévoles y enseignent différentes disciplines. Le club organise des soirées cinéma et des cours de préparation à l’examen d’anglais IELTS, mais il est essentiellement là pour être à l’écoute.
« Nous ne sommes pas une organisation ouverte de 9 h à 17 h », précise Ammar. « Les bénévoles vivent au sein de la communauté, ils participent aux activités du club et sont le plus possible aux côtés des jeunes. Quiconque peut venir boire un thé et bavarder. »
L'un des derniers projets en date du club, financé par l’EED, consiste à produire des émissions de télévision réalisées par les réfugiés pour les réfugiés. Camp Cast a déjà diffusé plusieurs émissions et a récemment réussi à convaincre des producteurs de télévision professionnels de venir apprendre aux participants les ficelles du métier.
J’ai foi dans le changement qui s’opère du bas vers le haut », confie Ammar. « Petit à petit, nous favorisons le changement dans notre camp et apportons de l'espoir aux futures générations de réfugiés. »
Par Claire Bigg
Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle de l’EED (European Endowment for Democracy).