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Tamer Adel

24 February 2017

Le combat d'une organisation de la société civile pour les jeunes Égyptiens

Une organisation formant les jeunes Égyptiens à la vie publique peine à survivre, prise entre les difficultés financières et les mesures répressives du gouvernement à l'encontre de la société civile.

Tamer Adel Tamer Adel © Małgorzata & Krzysztof Pacuła

À bien des égards, la position fragile de l’OBLSD (Organisation of Backing Liberty and Social Development) reflète les bouleversements qui ont ébranlé le pays ces dernières années.

L’OBLSD a été fondée en 2009 à Gizeh dans le but de stimuler la participation des jeunes aux processus de décision et d’encourager une plus grande diversité dans la politique égyptienne.

En février 2011, suite aux manifestations massives survenues au début du Printemps arabe, le président autocratique Hosni Mubarak démissionnait, laissant le pouvoir aux mains de l’armée, mettant ainsi un terme à un règne de 30 ans et plongeant le pays dans le chaos.

L’OBLSD a pu maintenir ses activités. Mais en novembre 2011, le fondateur de l’organisation, Maikel Mosaad, fut mortellement blessé alors que les forces de sécurité tentaient de disperser violemment des manifestants dans la rue.

« Après le décès de Maikel, nous avons fermé l’organisation », se rappelle Tamer Adel, directeur exécutif de l’OBLSD.
« Nous n’avons rouvert qu’en 2013. »

Trois ans et deux présidents égyptiens plus tard, le groupe peine à survivre entre un cruel manque de financement et des mesures répressives qui s’intensifient à l’égard de la société civile.

« Les donateurs internationaux ont massivement retiré leur soutien à la société civile égyptienne », regrette Tamer.
« De nombreuses ONG ont dû cesser leurs activités ces dernières années. Si ça continue, la société civile égyptienne aura totalement disparu et devra être entièrement recréée. »

Et pourtant, jamais les demandes d’inscription aux programmes de formation de l’organisation n’ont été aussi nombreuses.

Pour son programme phare de formation, SYPE, financé par l’EED sur une période de trois ans, plus de 1 000 demandes sont à chaque fois déposées pour seulement 50 places. Ce programme sur six mois forme les jeunes Égyptiens sur les connaissances théoriques et les compétences pratiques requises pour s’engager efficacement dans la vie publique.
Comme toutes les formations dispensées par l’OBLSD, celle-ci est gratuite.

Tamer, 26 ans, coordonne le programme. Comme il l’explique, la raison du succès de ce programme réside dans sa capacité à réunir des jeunes Égyptiens issus de différents horizons politiques, culturels et religieux.

« Tous les week-ends pendant six mois, 50 jeunes se retrouvent dans une même salle », poursuit-il. « Au début, ça n’est jamais simple. Les débats sont toujours très houleux, chacun essayant d’imposer son opinion manière plus ou moins agressive et de prouver qu’il a raison et que les autres ont tort. Au terme de la formation, ils ont appris à accepter les opinions divergentes et à exprimer leur point de vue de manière éloquente et posée. »

Plusieurs participants ayant suivi la formation SYPE occupent aujourd'hui des fonctions importantes de la scène politique égyptienne, dont un ancien élève qui préside actuellement le jeune Parlement du pays.

Cependant, face à la révolution démocratique avortée de l’Égypte, un nombre croissant de jeunes Égyptiens délaissent la politique en faveur de la société civile.

Quand nous avons lancé SYPE, la plupart des participants étaient affiliés à un parti politique et voulaient travailler dans la sphère politique », souligne Tamer. « Maintenant, les jeunes quittent les partis politiques. Nous recevons de plus en plus de demandes de jeunes indépendants qui s’intéressent aux initiatives sociales. »

Comme le précise Tamer, malgré les défis auxquels est confrontée la société civile, la plupart de ceux qui ont suivi la formation ont créé leur propre ONG.

Tamer lui-même avait suivi des études de commerce avant de s’engager dans la société civile. Il a également pris des cours de réalisation cinématographique à l’Opera House du Caire et travaillé comme animateur de radio, un métier auquel il forme les jeunes désormais à l’OBLSD.

« J’adore travailler pour la société civile », déclare-t-il. « J’aime aider les gens à changer et à se perfectionner.
C’est pour ça que j’ai choisi cette voie. »

Le soutien de l’EED arrivant bientôt à terme, Tamer a du mal à envisager l’avenir.

L’OBLSD est une organisation officiellement enregistrée et à ce titre elle peut juridiquement bénéficier de financements étrangers.

« Si nous avions essayé d’exister en dehors du cadre légal, nous serions en prison à l’heure qu'il est », déclare-t-il d’un rire crispé.

Mais au jour d’aujourd’hui, l’organisation n’a reçu aucune nouvelle subvention.

En l’absence de financement, Tamer et ses collègues ont été obligés de réduire l’activité du programme SYPE et couvrent les dépenses de leur poche.

« J’adore mon travail mais je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer ainsi » soupire-t-il. « Il est chaque jour plus difficile de militer pour la société civile en Égypte. »

Par Claire Bigg

Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle de l’EED (European Endowment for Democracy).