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Leyla et Arif Yunus

16 November 2016

L’écriture d'un livre : un acte vital pour deux dissidents azerbaïdjanais exilés

Après avoir passé plus d'un an en prison et enduré des maltraitances atroces entre les mains de leurs bourreaux, Leyla et Arif Yunus ne se sont pas encore remis des épreuves qu’ils ont traversées.

Leyla et Arif Yunus Leyla & Arif Yunus © EED

Leyla et Arif Yunus, deux éminents défenseurs des droits de l’homme azerbaïdjanais, ont été libérés fin 2015 après avoir été dans un premier temps condamnés à de longues peines de prison sur la base d’accusations fallacieuses de fraude, d’évasion fiscale et d’activités commerciales illicites.

Malgré leur santé fragile et leur départ à contrecœur d'Azerbaïdjan en avril 2016, le couple n’entend pas garder le silence.

Ils ont repris leur travail de plaidoyer et prévoient d’écrire un nouveau livre qui fera un portrait accablant du régime de Ilham Aliyev, qui dirige ce pays riche en pétrole d'une main de fer depuis le décès de son père Heydar Aliyev, en 2003.

Coups et tortures

« Ils nous ont battus et torturés, ils nous ont volé notre santé », accuse Leyla Yunus. « Ils ont fini par nous libérer parce que nous étions en train de mourir et ils ont pris peur. Nous devons raconter ce que nous avons vu et ce que nous avons enduré. »

Depuis Amsterdam, où ils se sont établis, Leyla et Arif Yunus (qui est également un historien de renom), continuent d’œuvrer en faveur des droits des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Selon leurs estimations, au moins 166 personnes y sont actuellement incarcérées en raison de leurs opinions politiques et une douzaine de personnes meurent chaque année de torture subie en détention.

Le groupe que dirige Leyla Yunus, Institute for Peace and Democracy (Institut pour la paix et la démocratie) suit de près les arrestations politiques en Azerbaïdjan depuis plus de 20 ans. Mais si les organisations internationales de défenses des droits de l’homme s'intéressent vivement à ces données, les représentants politiques occidentaux se montrent plutôt indifférents à la situation désespérée des prisonniers politiques et aux mesures de répression à l’égard des dissidents en Azerbaïdjan.

« À l’époque de l’Union soviétique, nous n’avions pas besoin d’expliquer ce qu’était le système soviétique, ce qu’était le goulag », déplore Leyla. « Mais aujourd’hui, quand on évoque la torture, quand on décrit le régime dictatorial qui règne en Azerbaïdjan, nous devons fournir une multitude d’exemples. Et même là, nos mots ne trouvent pas d’écho. »

Outre ses efforts de lobbying pour leur libération, Leyla Yunus écrit depuis de nombreuses années aux dissidents détenus en prison. Pour elle, cette activité a pris une toute nouvelle dimension depuis qu’elle a elle-même été incarcérée.

« Je leur dis qu'on ne les oublie pas, qu'on s’occupe de leur cas, que les organisations internationales de défenses des droits de l’homme connaissent leur existence. Il est vital d’apporter un soutien psychologique à ces prisonniers. Nous sommes passés par ces prisons, nous savons ce qu’ils ressentent. »

Leyla et Arif Yunus préparent actuellement une liste de noms de hauts fonctionnaires, employés de prison, membres de la police et juges azerbaïdjanais responsables de la détention et de la torture de citoyens innocents.

Constitution de dossiers sur les violations des droits de l’homme

Mais pour l’heure, le livre est leur priorité.

Financé grâce à une aide versée par l’EED, l’ouvrage retracera leur croisade de ces 30 dernières années afin de documenter les violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan. Certains chapitres se baseront sur des notes que Leyla Yunus a pu sortir de prison.

« Il s’agira d’observations et de témoignages personnels », explique-t-elle.

L’ouvrage détaillera les violences physiques et psychologiques subies par le couple en prison. Leyla Yunus, qui est diabétique, a été battue, privée de soins médicaux et menacée de viol. Elle a été trainée par les pieds en cellule d’isolement et est quasiment devenue aveugle d'un œil. La santé de son époux s’est également irréversiblement dégradée suite aux coups et actes de tortures répétés.

« C’est un souvenir de prison », déclare-t-il en montrant une attelle au bras gauche. « Ils m’ont lié les poings derrière le dos, m’ont suspendu par les menottes et frappé dans le dos et à la nuque avec des serviettes mouillées. C’est une douleur atroce pour les poignets et le dos, et ça tord l’articulation du coude. »

Arif Yunus, qui souffre d’hypertension chronique, perd régulièrement connaissance depuis qu'il a été incarcéré - même pendant son procès à Baku. Les médecins lui ont déconseillé de revenir sur son séjour en prison, un obstacle qu'il devra surmonter pour pouvoir écrire ce livre.

« Dès que je repense à ce qui m’est arrivé en prison, ma pression artérielle monte en flèche, ce qui me donne brusquement de terribles maux de tête », explique Arif. « Ce sera très dur pour moi d’écrire ce livre, mais ne pas le faire le serait encore plus. »

L’aide vitale de l’EED

Le livre de Leyla et Arif Yunus affirment s’adressera aux lecteurs étrangers, défenseurs des droits de l’homme, avocats, journalistes et toutes les personnes menacées d’arrestation en Azerbaïdjan.

« Ce sera le témoignage d’une expérience douloureuse. Avant toute chose, je veux raconter mon expérience en isolement, je veux décrire les méthodes d’interrogation et expliquer comment tenir le coup dans de telles situations. »

Pour Leyla et Arif Yunus, ce projet de livre revêt un caractère vital alors qu’ils s’adaptent à leur nouvelle vie en exil.

Il est très difficile de tout recommencer à 60 ans. Quand on vous oblige à quitter votre pays, vous perdez une partie de votre âme », soupire Leyla. « L’aide financière de l’EED est arrivée comme une main tendue à un moment où nous pensions avoir tout perdu. Ce livre nous donne une nouvelle raison d’exister. »

Par Claire Bigg

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