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Armen Grigoryan

2 February 2017

Observateurs indépendants pour une surveillance électorale de grande ampleur en Arménie

Dans sa volonté de contrer les fraudes électorales endémiques et de s’opposer à la dominance du parti au pouvoir, une initiative civique encourage les Arméniens à aller observer et surveiller les élections.

Armen Grigoryan Arman Grigoryan © EED

En Arménie, le référendum décisif sur la réforme constitutionnelle s’est soldé à la fois par une défaite et par une victoire pour Armen Grigoryan, militant pro-démocratique.

L’élection de 2015 a donné le feu vert qu’attendaient les autorités pour introduire des changements constitutionnels destinés à soustraire le pouvoir au Président pour le rediriger vers le Parlement et le Premier ministre - une manœuvre dénoncée par Armen Grigoryan et d'autres détracteurs qui voient-là un moyen d’étendre le contrôle du parti républicain en place sur tout le pays et de permettre à Serzh Sargsyan de rester au pouvoir après son mandat présidentiel en 2018.

Mais le référendum a également été l’occasion de voir naître un effort civique sans précédent afin de garantir le déroulement d’élections libres et équitables. Le 6 décembre 2015, des centaines de citoyens avaient observé et surveillé attentivement le processus électoral dans plus de 500 bureaux de vote du pays, dénonçant plusieurs infractions et regrettables pratiques malheureusement courantes lors des élections en Arménie.
Citizen Observer Initiative, fer de lance de cette campagne, est un mouvement né en 2013.

Il a depuis considérablement développé son réseau d’observateurs indépendants et déclaré la guerre à la fraude électorale dans le Caucase.

« Nous étions parvenus à mobiliser plus de 1 000 observateurs en deux mois seulement » se rappelle Armen Grigoryan, coordinateur de l’initiative et éminent analyste politique qui travaille pour le centre Anti-corruption de Transparency International en Arménie.

 Nous avions rencontré pas mal de problèmes et de contretemps, mais nous y sommes arrivés. Cette opération fut un énorme succès, et cela ne fit que renforcer nos convictions.

Dans les semaines précédant les élections, le mouvement, essentiellement financé par l’EED, avait réussi à rassembler les organisations de la société civile et les partis de l’opposition afin de mettre en place un contrôle public des élections.

« Ça ne s’est pas fait tout seul », précise Armen Grigoryan. « Au cours des années précédentes, j’avais été très actif : j’avais publié de nombreux billets sur Facebook et écrit des articles et des colonnes. Les gens ne m’auraient peut-être pas suivi s’ils n’avaient jamais entendu parler de moi. »

Les partisans de la réforme constitutionnelle affirment que ces changements renforceront la stabilité politique du pays et consolidera le système des partis en Arménie, en réduisant les pouvoirs du président qui ne sera plus élu par le peuple mais par le parlement. Ce nouveau système entrera en vigueur suite aux élections parlementaires d’avril 2017.

Bien que d’autres anciennes nations soviétiques (dont des pays du Partenariat oriental comme la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine) aient déjà muté vers le régime parlementaire, les opposants à ce projet soulignent que l’Arménie n’est pas prête pour cette transition.

En vertu de ces changements, le Parlement, contrôlé par le Parti républicain de M. Sargsyan, sera en mesure de modifier la
constitution sans soumettre les amendements au vote des citoyens. Les opposants à cette réforme mettent en garde contre ce système qui ne fera que perpétuer la domination du Parti républicain dans la vie politique du pays en raison de l’absence d’alternatives viables.

Les détracteurs dénoncent également une réforme destinée à asseoir M. Sargsyan au poste de Premier ministre une fois que son second et dernier mandat présidentiel sera arrivé à échéance.

« Serzh Sargsyan a modifié la constitution dans un seul et unique but : rester au pouvoir » condamne Grigoryan. « Les Arméniens doivent se mobiliser. »

Jamais en Arménie aucun mouvement n’a connu l’ampleur de Citizen Observer Initiative, qui vise à sensibiliser la société civile sur la question de l’observation électorale. Plus de 20 organisations se sont mobilisées, réparties sur un quart des 2 000 bureaux de vote que compte le pays - une prouesse quand on connaît l’apathie électorale chronique qui caractérise les Arméniens.

Dans le même temps, No Pasaran, une autre campagne civique financée par l’EED et coordonnée par Armen Grigoryan, a travaillé sans relâche pour sensibiliser les citoyens aux enjeux de cette réforme. Ses militants ont très largement exploité les médias sociaux pour diffuser des informations sur les amendements proposés.

Selon la Commission électorale d’Arménie, 63,3 % des électeurs se sont prononcés en faveur des changements constitutionnels. Citizen Observer Initiative accuse toutefois les autorités d’avoir manipulé les résultats des élections.

Le groupe aurait recensé plus de 1 000 irrégularités pendant le scrutin et le dépouillement, remettant en cause la légitimité des résultats du référendum. Les infractions portent sur le bourrage des urnes, le vote de personnes décédées, la pression exercée sur des électeurs, l’achat de voix et le système dit du ‘Carrousel’, où des bus entiers emmènent les électeurs d’un bureau de vote à l’autre afin de les faire voter plusieurs fois.

Les observateurs de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont également fait part de leurs inquiétudes à l’égard de ces élections, et insisté pour que les autorités arméniennes enquêtent sur les accusations portées.

Face aux révélations faites par Citizen Observer Initiative, les autorités ont ouvert 78 enquêtes criminelles - plus que la totalité des enquêtes pour fraude électorale menées en Arménie depuis la sortie du pays de l’Union soviétique en 1991.

« Les fonctionnaires qui ont été condamnés ne se sont vu infliger que des amendes, mais c’est déjà un pas dans la bonne direction », se félicite Armen Grigoryan.

Citizen Observer Initiative entend maintenant publier sur son site Web le profil détaillé des auteurs de violations électorales, une campagne de dénonciation que le mouvement espère voir porter ses fruits et dissuader les fonctionnaires de falsifier les résultats électoraux à l’avenir.

Le mouvement compte désormais quelque 4 000 observateurs qui se rendront deux par deux dans tous les bureaux de vote du pays lors des élections parlementaires en avril.

« L’avenir de l’Arménie réside dans la démocratie, mais sans élections libres et équitables, il ne saurait y avoir de démocratie » conclut Armen Grigoryan. « Les élections sont la pierre angulaire de toute démocratie. »

Par Claire Bigg

Clause de non-responsabilité : Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle de l’EED (European Endowment for Democracy).