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Manal Khader et le centre Mina Image

1 September 2022

Un espace pour les artistes qui en manquent

Un Centre des images, né des cendres de l’explosion de Beyrouth survenue en août 2020, offre un espace aux artistes qui n’en ont pas.

Manal Khader et le centre Mina Image

« Notre Centre se trouvait à une cinquantaine de mètres seulement de l’épicentre de l’explosion du 4 août », explique Manal Khader, directrice artistique du Centre Mina Image, alors qu’elle relate la terrible explosion en 2020 qui a ravagé le port de Beyrouth et détruit et endommagé des immeubles dans toutes la ville, ayant coûté la vie à plus de 200 personnes et blessé des milliers d’autres. « Par chance, nos locaux étaient vides, autrement personne n’en aurait réchappé. Ce jour-là, nous avons tout perdu. Nous avons perdu l’espace que nous avions mis tant de soin à créer. »

C’est par le plus grand des hasards que l’équipe de Mina Image n’était pas au bureau le jour de ce tragique accident. Si tout s’était déroulé comme prévu, le Centre aurait dû accueillir une exposition, laquelle fut annulée suite à la vague de protestations qui avait débuté en octobre 2019, suivie par la pandémie de Covid-19.

Il a fallu du temps à l’équipe pour être émotionnellement et physiquement en état de rouvrir le Centre fondé par le photographe libanais Fouad Elkoury dans le but de promouvoir l’art de la photographie au Liban et qu'il avait baptisé en l’honneur du célèbre port de Beyrouth (« mina » en arabe veut dire « port »).

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Mina Image : un espace au service de la communauté

« Nous nous devions de rouvrir le Centre pour offrir un espace à ceux qui traversaient cette période difficile. Nous voulions aider les artistes et les personnes engagées », poursuit Manal. Alors que la zone du port est lentement réhabilitée, elle reconnaît qu’il est arrivé à l’équipe de s'interroger sur la pertinence de reconstruire dans une zone dévastée qui n’est pas sans rappeler une ville fantôme. Mais ils sentaient au fond d’eux que c’était la bonne décision.

Mina Image a rouvert ses portes en mars 2022 grâce, en partie, à une aide du FEDEM qui a couvert les coûts essentiels et les frais de programmation, ainsi qu’à différentes subventions versées par Drosos, Prince Claus Fund, Afac pour la restauration du lieu. Manal a recruté pour le centre et formé une nouvelle équipe de jeunes amateurs d’art engagés tant sur le plan social qu’artistique.

Le mandat du nouveau Centre est plus large que celui initialement envisagé par Manal et son co-fondateur, Fouad Elkoury, en 2018. Collaboration est désormais le maître-mot de la mission de Mina Image.

« Nous voulons partager notre espace avec des gens et des organisations qui n’ont, justement, pas d’espace », explique-t-elle.

Le Centre a déjà lancé cette année, au mois de juin, le programme « Séquences sur Beyrouth », un projet très bien accueilli, présentant des films contenant des scènes tournées dans la ville avant 1975, une période considérée par de nombreux habitants comme l’âge d’or de leur ville. Près de cinquante long-métrages locaux et internationaux ont été projetés dans le Centre dans le cadre de ce projet.

Le Centre prévoit deux autres expositions, l’une en collaboration avec la Arab Image Foundation, qui exposera d’anciennes images de la ville et leur donnera une nouvelle vie, la second, intitulée « Treat me like your mother », conjointement avec la plateforme Coldcut et qui abordera des questions transgenre. Cette exposition permettra de créer la première archive d’images transgenre provenant de la région du Moyen-Orient.

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Expositions et militantisme

Comme l’explique Manal, le Centre s’intéresse maintenant à l’art comme forme de militantisme, ainsi qu’à l’art pour l’art, même si elle est consciente qu’au Liban, l’art est souvent politique par nature.

Mina Image consulte actuellement un cabinet-conseil pour entreprises afin de planifier sa sécurité financière et de restructurer son Centre. Le Centre envisage d'ouvrir un café et une librairie. Il prévoit également d’animer un atelier où l’on pourrait développer des photos, vendre des gravures et proposer des services d’encadrement. Il espère également organiser une vente aux enchères de photographies, en partenariat avec la maison Christies et est actuellement en pourparlers avec des artistes locaux en vue de monter une exposition permanente.

En novembre, Mina Image lancera son programme « Talent Hub », mettant à disposition de huit artistes des espaces de coworking pendant une période d’un an. « Nous leur offrons l’espace, l’électricité (deux choses qui font souvent défaut à la maison) et une bonne connexion Internet. Nous les mettons en contact avec d’autres organisations et les aidons à préparer leur avenir financier. Et en tant que centre, nous bénéficions également de leurs projets », souligne Manal.

Survivre dans le contexte de l’actuelle crise économique au Liban n’est simple pour aucune entreprise, et pouvoir se maintenir pour une entité artistique comme Mina exige une capacité d’adaptation permanente.

« Nous ne pouvons plus travailler de 10h00 à 19h00, comme nous le faisions avant. Les coûts en électricité sont trop élevés. Nous travaillons maintenant de 14h30 à 19h30, et même comme ça, l’essence pour notre groupe électrogène nous revient chaque mois à plus de 2 000 dollars. Mais nous survivons, même si chaque projet finit toujours par coûter plus cher que prévu. »

Pour l’instant, la principale préoccupation est d’assurer la sécurité financière de Mina. Manal espère que le Centre intéressera des donateurs étrangers dont les fonds contribueraient au budget annuel et permettraient de se projeter et d’assurer une certaine stabilité.

Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.