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Cemre Topal et l’Association Gender and Law Studies

13 July 2022

Lutter contre la discrimination faite aux femmes dans le système judiciaire turc

Dans la ville d’Adana, dans le sud de la Turquie, un collectif d’avocats recense les cas de discrimination dont les femmes sont victimes lors de procès.

Cemre Topal et l’Association Gender and Law Studies

Cemre Topal a commencé à s’intéresser aux droits des femmes et au féminisme à peine âgée d’une vingtaine d’années, alors qu’elle terminait ses études de droit. Avocate de profession, Cemre a progressivement pris conscience de l’impact qu’avait sur sa vie personnelle et professionnelle le fait d’appartenir à la gente féminine.

C’est cette prise de conscience qui l’a incitée, elle et trois consœurs de la ville d’Adana, dans le sud de la Turquie, à fonder l’association Gender and Law Studies sous la forme d’un collectif visant à sensibiliser à la discrimination sexiste qui est exercée dans les tribunaux de la ville.

Depuis 10 ans, l’organisation défend des femmes victimes d’agression sexuelle et de violence conjugale. Elle est intervenue dans des affaires retentissantes concernant des femmes qui avaient tué leur mari pour se défendre.

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Recenser la discrimination fondée sur le sexe dans les tribunaux

L’an dernier, le collectif décidait de commencer à recenser également les propos sexistes et discriminatoires dans les tribunaux d’Adana tenus lors de procès pour féminicide, viol et autres cas de violence à l’égard des femmes. Une aide versée par le FEDEM a permis à l’organisation de recruter du personnel supplémentaire rémunéré, ainsi que onze bénévoles.

« Nous étions témoins de nombreux abus de langage et de comportements véritablement discriminatoires dans les tribunaux. Le système s’attache systématiquement à rejeter la faute sur les femmes », se désole Cemre. « Quand une femme est violée, les juges trouvent des excuses pour réduire la peine des agresseurs de sexe masculin, tandis que les femmes qui commettent l’irréparable pour se défendre ne bénéficient pas de la même clémence. »

Les avocats ont commencé par examiner les dossiers des archives du Barreau d’Adana afin d’y trouver des cas de discrimination à l’encontre des femmes lors de procès pour féminicides, agressions physiques contre des femmes et autres violences fondées sur le sexe. L’équipe s’est rapidement rendu compte que bien que complètes, ces bases de données étaient inexploitées et les informations qu’elles contenaient n’étaient pas communiquées à la société civile, ni au grand public.

« Tout ce que nous avions à faire, c’était de lire, faire des recherches et analyser », explique Cemre.

Les données ont révélé de nombreux cas de discrimination à l’égard des femmes durant les procès. Souvent, la parole des femmes est mise en doute dans les affaires d’agressions sexuelle, notamment lorsque l’agresseur était un homme ‘respectable’. Le système essaie souvent de rejeter la faute sur les femmes », dénonce Cemre.

Les avocats ont compilé leurs conclusions et les ont publiées dans un rapport diffusé ensuite aux organisations de la société civile, aux médias et au Barreau.

« Nous voulions sensibiliser les personnes susceptibles de faire bouger les lignes dans notre société. Nous voulions mettre ces données à profit pour donner l’impulsion d'une réforme et d'un changement de mentalité », explique-t-elle.

L’équipe cherche également à rendre ce rapport accessible à un plus vaste public et des membres collaborent avec d’autres organisations pour produire des supports de visualisation des données, de sorte que celles-ci puissent être comprises par le grand public.

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Créer un réseau d’avocats attachés aux mêmes valeurs

Dans le cadre de son travail, l’association organise également des ateliers auprès de jeunes avocats afin de les sensibiliser aux propos discriminatoires lors des actions en justice. Avant la pandémie, ces réunions se déroulaient en présentiel. Pendant le confinement, elles se sont tenues en ligne, même si, comme le reconnaît Cemre, il est plus difficile de former des réseaux et de nouer des liens dans un environnement virtuel.

La Covid-19 a également rendu difficile l’accès aux données et aux dossiers et ralenti le travail de l’association.
Cemre affirme également que travailler dans la ville d’Adana est un avantage pour l’association car dans cette petite ville, la plupart des avocats se connaissent et il est plus facile de créer un réseau de professionnels désireux de collaborer pour mettre fin à la discrimination sexistes dans les tribunaux.

« Ce même travail aurait été impossible à Ankara, où la bureaucratie est plus contraignante et tout est régi par un protocole très stricte », explique-t-elle. « Si la société d’Adana est globalement conservatrice, c’est aussi une ville vibrante et cosmopolite où Kurdes, Turcs et Arabes cohabitent depuis longtemps, alors ça aide ! »

Cemre et ses collègues prévoient maintenant d’étendre au reste du pays leurs recherches sur la discrimination sexiste exercée dans les tribunaux.

« Nous avons contacté les Barreaux d’autres villes du pays et les données dont nous avons besoin sont disponibles et n’attendent que nous ! Il ne nous reste plus qu’à les exploiter, comme nous l’avons fait à Adana », conclut-elle.

Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.