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Vojin Ćetković et Queer Montenegro

24 March 2022

Soutenir la communauté LGBTQI+ au Monténégro

Depuis neuf ans, Queer Montenegro organise la Marche des fiertés Montenegro Pride à Podgorica et défend les droits des personnes LGBTQI+ dans le pays.

Vojin Ćetković et Queer Montenegro

En octobre 2021, militants et amis LGBTQI+ défilaient dans la capitale du Monténégro, Podgorica, pour la neuvième édition de la Montenegro Pride. L’année précédente, en pleine pandémie de Covid-19, l’événement avait été réduit à un modeste défilé en voiture et à quelques animations en ligne. Quelque 300 personnes s’étaient réunies pour porter le message « Ljubav, ljudi » (Amour, Êtres humains).

« C’était un appel à l’action en temps de crise. L’amour est la solution. L’amour est tout », entonne Vojin Ćetković, responsable des relations publiques de Queer Montenegro, l’une des organisations derrière le défilé de la Montenegro Pride à Podgorica. « Mais l’amour est aussi révolutionnaire, il est rebelle. On peut nous priver de nos droits, mais jamais de notre amour. »

L’adoption de la loi en 2021 qui reconnaît le pacte civil entre personnes de même sexe a été une importante victoire pour la communauté LGBTQI+ du Monténégro. C’est actuellement le seul pays des Balkans occidentaux à avoir adopter une telle loi. Selon Vojin, la loi présente encore des lacunes, comme la reconnaissance au Monténégro d’une union civile enregistrée à l’étranger, et sa mise en œuvre reste incomplète. L’absence de volonté politique entrave également les avancées de la réforme pour la reconnaissance juridique du genre. Comme le fait remarquer ILGA Europe, les propos anti-LGBTQI+ sont en recrudescence parmi les représentants politiques et le nombre de crimes haineux dénoncés est nettement inférieur à la réalité.

« C’est pourquoi le vrai travail est celui qui est réalisé entre deux Marches », précise Vojin. « La Marche des fiertés est en soi plus une célébration pour la communauté. Mais elle serait futile si on ne s’en servait pas comme d’un levier pour faire entendre des revendications précises. La Marche détermine l’agenda de nos actions pour toute l’année ».

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Organisation exigeante de la Semaine des fiertés

Chaque année, de février à octobre, le comité d’organisation de la Montenegro Pride travaille à l'organisation du concept de la Marche, en collaboration avec la communauté LGBTQI+ qu’elle consulte en permanence afin de comprendre les besoins et les problèmes rencontrés.

L’organisation compte dans ses rangs de nombreux bénévoles qui participent à la collecte de fonds, travaillent sur la communication et le marketing, sans oublier le programme des activités de la Semaine des fiertés qui propose des expositions artistiques, des projections de films et des ateliers. « Il n’est jamais facile de mettre tout le monde d’accord mais une fois que le programme est arrêté, nous le soutenons tous car il reflète les attentes de la communauté », explique Vojin.

Un groupe d’experts en communication, auquel appartient Vojin, élabore ensuite une stratégie pour faire passer les messages à la communauté LGBTQI+ et au public dans son ensemble afin de les sensibiliser aux difficultés que rencontrent les personnes queer au Monténégro.

« Les mentalités sont en train de changer, surtout parmi les jeunes. Cette année, nous avons eu de nombreux lycéens parmi nos bénévoles, ce qui est très important car les jeunes LGBTQI+ peuvent avoir des mentors et des modèles au sein de la communauté », précise Vojin. « Nous avons aussi pu compter sur l’aide d’adolescents hétérosexuels venus pour en savoir plus et pour soutenir leurs amis LGBTQI+. La jeune génération est mieux informée et plus disposée à se battre pour ses droits, et cela me donne espoir. »

C’est dans les locaux du centre d’accueil LGBTQI+ de Podgorica que s’organise la Queer Montenegro. Créé en 2011, le centre met à disposition des ressources éducatives et fournit l’accès à la contraception, à des informations sur la prévention du VIH et assure un soutien psychologique. C’est aussi un espace où se retrouve et s’organise la communauté. Le centre est co-dirigé par l’organisation qui l’a créé, l’ONG Juventas, et par Queer Montenegro, l’organisation trans Spectra et l’organisation des femmes queer, Stana.

Vojin reconnaît qu’il est plus facile de mettre en place ce type d’initiative à Podgorica, du fait de sa communauté LGBTQI+ relativement importante et de la plus grande ouverture d’esprit de ses habitants. De nombreuses personnes viennent d’autres villes du Monténégro pour prendre part à la Marche et cela les inspire et les incite à agir au sein de leurs communautés plus petites et plus conservatrices.

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Les effets de la pandémie de Covid-19 sur la communauté queer

La survenue de la pandémie de Covid-19 il y a deux ans a eu d’importantes répercussions sur la communauté LGBTQI+ au Monténégro. Beaucoup de personnes se sont retrouvées sans travail et sans ressources pour vivre. D’autres ont dû quitter la capitale pour rentrer dans leur famille dans des villes plus conservatrices, faisant face à des situations familiales pas toujours bienveillantes. Queer Montenegro, en collaboration avec d’autres ONG, a intensifié son programme d’aide alimentaire préexistant qui, avant la pandémie déjà, s’adressait à des personnes chassées par leur famille et venait en aide à celles et ceux qui avaient des difficultés économiques.

Des réunions hebdomadaires en ligne pour l’organisation de la Marche ont permis de maintenir le lien entre les membres de la communauté, surtout pour ceux qui avaient dû partir de Podgorica et se retrouvaient isolés. Les médias sociaux ont également joué un rôle primordial pour la communauté LGBTQI+ pendant cette période difficile.

La crise de la Covid-19 a également eu pour effet de voir les donateurs internationaux réorienter leurs financements en faveur de projets œuvrant directement pour l’atténuation des effets de la pandémie, délaissant les projets portant sur les droits des personnes LGBTQI+. C’est dans ce contexte que le FEDEM a apporté une aide d’urgence indispensable à l’organisation.

« Notre travail repose encore largement sur le bénévolat. L’argent n’est pas et n’a jamais été notre motivation principale mais notre survie, en tant qu’organisation, en dépend. Pour certaines personnes et en particulier les personnes trans, travailler pour une ONG est vraiment le seul travail qu’elles peuvent avoir sans faire l’objet de discrimination », affirme Vojin.

Projets d’avenir de Queer Montenegro

Aujourd’hui, Queer Montenegro s’attache à trouver des sources de financement plus stables et aspire même à l’autonomie de la Montenegro Pride afin de mieux défendre la communauté LGBTQI+ à travers des campagnes de sensibilisation et de revendication ciblées. L’organisation souhaite également diffuser son message à un plus large public en entretenant des liens avec d’autres groupes de la société civile au Monténégro et avec des organisations LGBTQI+ dans toute l’Europe.

« Notre travail est loin d’être terminé. La société monténégrine a encore du chemin à faire en matière d’acceptation des personnes LGBTQI+ », regrette Vojin. « Nous assistons à une radicalisation des discours et des crimes haineux à l’encontre de notre communauté, pas seulement au Monténégro mais dans le reste de l’Europe. Mais une évolution se devine au sein de notre société en faveur de l’acceptation et rien ne me fait plus plaisir que d’entendre une personne queer me raconter que sa famille a immédiatement accepté son orientation ou qu’elle peut conserver son emploi sans subir de discrimination. Ces témoignages sont la preuve que notre combat mérite d’être mené car ils me laissent entrevoir qu'un jour ce sera la norme pour les personnes LGBTQI+ au Monténégro et ailleurs. »

Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.