Youth of the World Together
3 March 2022Encourager les jeunes du Yémen à être les acteurs du changement
Depuis 2015, l’organisation Youth of the World Together apprend aux jeunes yéménites à faire l’expérience pratique de la démocratie et de la liberté d’expression dans leur vie quotidienne.

Résident aux États-Unis depuis 2011, Nasser Almang, président et fondateur de Youth of the World Together (YWT), a rencontré son équipe en personne pour la première fois en décembre dernier.
Contrairement à lui, les 22 membres de son équipe, comme Atheer Al-Mujahed, directrice de la plateforme YWT Etreek 24, Ezaldeen Abushaar, responsable Médias numériques et Layma Husseiien, responsable Subventions, vivent à Sanaa, au Yémen, « Avant de commencer à travailler avec eux, je les connaissais déjà à travers les médias sociaux », explique Nasser.
Nasser est pleinement acquis à la cause des médias sociaux qui pour lui l’outil par excellence pour établir et entretenir des liens sociaux et créer des réseaux, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait qu’en six années à peine, il a fait de YWT l’une des organisations pour les jeunes les plus prestigieuses du Yémen.
Encourager les jeunes à être les acteurs du changement
Comme il l’explique, YWT intervient essentiellement dans les sphères des arts et de la culture, des médias et de la technologie, de la citoyenneté et des droits de l’homme, dans l’emploi et l'entrepreneuriat, avec pour objectif central la création de plateformes qui encouragent les jeunes à s’impliquer et à agir positivement pour leur communauté. À ce jour, l’organisation a créé un festival de cinéma axé sur les droits de l’homme dont la troisième édition se tiendra cette année, un programme de consolidation des compétences adressé aux jeunes réalisateurs, ainsi que des initiatives d’autonomisation économique.
« Nous essayons de faire naître une génération qui a foi dans les droits de l'homme et croit en la démocratie », déclare Nasser.
Une tâche ambitieuse pour le Yémen, un pays dévasté par sept années de guerre civile et qui traverse actuellement la pire crise humanitaire jamais connue, avec les deux-tiers de sa population, soit 20,7 millions de personnes, nécessitant une assistance humanitaire. Mais avec plus de 60 % de la population âgés de moins de 25 ans, la jeune génération est le plus grand espoir du Yémen pour l’avenir du pays, même si pour la plupart, et l’équipe en est consciente, ils ne croient plus en la démocratie.
« Pour eux, ce ne sont que des slogans. Nous les encourageons à faire l’expérience de la démocratie dans leur vie quotidienne, à savoir être libres d’adopter le style vestimentaire qui leur plaît, de dire ce qu'ils pensent et d’écouter ce qu’ils veulent. Nous voulons qu'ils se sentent partie prenante de leur vie et qu’ils comprennent que la démocratie ne revêt pas qu’une dimension politique, mais que c’est quelque chose qu’ils peuvent mettre en pratique tous les jours. Ainsi nous les aidons à devenir les leaders de demain », insite Atheer Al-Mujahed.
Etreek 24 : sensibiliser à la démocratie et aux droits de l'homme
C’est l’une des raisons qui a poussé l’équipe de YWT à lancer son septième projet en octobre 2020, Etreek24, une plateforme de médias indépendants qui sensibilisent les jeunes aux notions de démocratie et de droits de l'homme. Le FEDEM a octroyé une subvention de démarrage pour le lancement de ce projet.
Comme l’explique Nasser, « etreek » signifie « lampe torche » en arabe, un nom qui n’est pas dû au hasard puisque Etreek 24 fait la lumière sur des thèmes importants, 24/24H et 7/7 j, à travers la vérification des informations, la visualisation des données et des vidéos quotidiennes sur les sujets le plus pertinents pour les jeunes. L’organisation a également diffusé récemment un film d’animation sur les problèmes de santé mentale chez les jeunes.
« Rien n’est plus facile que de manipuler les médias sociaux qui sont une source de fake news et d’incitation à la haine. Nous aidons les jeunes à vérifier l’information et leur apprenons à ne pas croire aveuglément tout ce qu'ils lisent. Nous voulons qu’ils sachent ce qu’il se passe réellement dans notre pays », affirme Nasser.
Dans un pays dont la plupart des habitants s’informent à travers les médias sociaux, Etreek 24 est la seule plateforme qui n’a aucune affiliation avec un parti politique, quel qu’il soit. La plateforme utilise également l’arabe parlé vernaculaire des jeunes.
Pour Atheer Al-Mujahed, le rôle d’Etreek 24 est d’humaniser l’actualité. « Après tant d’années de guerre, les gens sont indifférents aux statistiques. Quand ils apprennent que des centaines de personnes ont été tuées, ça ne veut pas dire grand-chose pour eux. Nous, nous allons au-delà des chiffres pour relater les récits des personnes que nous évoquons », précise-t-elle.
Etreek 24 enregistre des dizaines de milliers d’abonnés sur ses différents canaux, notamment Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, Twitter et WhatsApp que l’organisation utilise désormais pour toucher les parents des jeunes. Certaines campagnes se sont soldées par des millions de signataires mais l’équipe souligne que ce sont les récits personnels qu’ils reçoivent de leurs abonnés qui les touchent le plus.
Sensibiliser aux risques de chantage exercé contre les femmes
Atheer Al-Mujahed évoque une récente campagne visant à dénoncer le chantage trop souvent exercé sur des jeunes femmes, victimes d’anciens fiancés, de membres de la famille, voire d’étrangers qui leur ont volé des images ou des données personnelles pour leur faire peur. Certaines femmes finissent par payer ces faux maîtres-chanteurs, trop effrayées pour se confier à leur famille.
« Nous avons lancé une campagne à partir de 16 vidéos et nous avons partagé les témoignages de femmes victimes de chantage. Nous avons également fait appel à des spécialistes, comme des experts en Photoshop et vidéo, pour montrer comment des données personnelles pouvaient être manipulées. Nous avons été contactés par des dizaines de jeunes femmes qui nous ont relaté leur triste expérience et par beaucoup d’autres encore qui voulaient se faire aider. Nous sommes fiers de la confiance qu’elles ont envers nous et de la manière dont elles nous ouvrent leur cœur », confie Atheer.
Pour cette campagne, Etreek 24 a collaboré avec des radios locales afin de pouvoir s’adresser aux jeunes qui n’ont pas accès à Internet.
Dans le cadre de la mission globale de YWT, l’équipe travaille également en continu avec des influenceurs sociaux, notamment pour la promotion de son festival de cinéma. Les influenceurs ont aidé au lancement d’Etreek 24, et certains d’entre eux ont même rejoint l’équipe qui dirige le projet. De nombreux influenceurs ont partagé du contenu pendant la campagne contre le chantage, tandis que d’autres ont créé leur propre contenu à partir des données qui leur avaient été fournies.
Semer les graines du changement
Avec le recul de ces dernières années, Nasser pense que le plus gros défi pour YWT est de contribuer au changement des mentalités dans la société yéménite.
« Le Yémen est un pays très conservateur mais je suis convaincu qu’en habituant les citoyens au changement, la société peut évoluer. Par exemple, il y a à peine dix ans, les femmes ne conduisaient pas. De nos jours, elles sont des milliers à le faire et plus personne n’y prête attention. Il n’y avait pas non plus de cinéma au Yémen jusque dans les années 1980. Notre festival de cinéma est le deuxième à avoir jamais été organisé dans le pays et il est le premier à être axé sur les droits de l’homme. De nos jours, il existe plusieurs festivals qui mettent le cinéma à l’honneur. Nous avons prouvé qu’il était possible d’organiser un festival de cinéma dont le fil conducteur est la défense des droits de l’homme. La démocratie ne se gagne pas seulement sur un champ de bataille. Nous avons montré qu’elle pouvait être bâtie à la force des mots », déclare Nasser.
Une équipe prête à relever de nouveaux défis
YWT cherche maintenant à créer des podcasts, plus d’épisodes et d’animations YouTtube. Nasser aimerait scinder Etreek 24 en deux entités distinctes, éventuellement avec d’autres plateformes centrées sur différentes thématiques. YWT cherche également des solutions pour aider les victimes de chantage.
Pour le moment, YWT s’efforce de faire naître la future génération de dirigeants démocrates. À en juger par ses programmes de stages, l’intérêt est bien réel. Lors d’une récente invitation à candidater pour des places de stage, l’équipe a reçu 300 demandes au cours des trois premiers jours.
« Nous aidons à façonner une nouvelle génération, et pas seulement sur le plan des mentalités. Nous leur apprenons de nouvelles compétences comme la vidéographie, la rédaction et les médias sociaux, ce qui les rend plus aptes à l’emploi. Il n’y a pas beaucoup d’endroits où ils peuvent acquérir ces compétences », confie Nasser.
Cet article reflète les opinions des personnes bénéficiaires de subventions et non pas forcément la position officielle du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM), de la Commission européenne, des États européens ou de bailleurs de fonds.