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Marine Kapanadze et la Georgian Democracy Initiative

24 February 2022

La défense des droits de l’homme par l’action collective en justice

La Georgian Democracy Initiative et son équipe d’avocats ont remporté une victoire historique devant la Cour européenne des droits de l’homme l’année dernière. Ils sont résolus à poursuivre leur combat en faveur des droits de l’homme et à sensibiliser les Géorgiens à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’égalité des sexes.

Marine Kapanadze et la Georgian Democracy Initiative

Fondée en 2012, la Georgian Democracy Initiative (GDI), établie à Tbilissi, œuvre ardemment à la protection des droits de l’homme et à la promotion des valeurs démocratiques en Géorgie.

L’équipe de la GDI, composée de dix-huit juristes et étudiants en droit, travaille sur trois axes différents. Le programme « Droits civils et politiques » s’occupe des actions collectives en justice, des inégalités et de la discrimination ainsi que du soutien aux minorités. Le programme « État de droit » travaille sur les réformes du système judiciaire et suit de près le processus de sélection des magistrats et les activités du Conseil géorgien de la justice. Enfin, dans le cadre du programme « Éducation civique », l’équipe collabore avec des citoyens, des enseignants et des étudiants pour les sensibiliser aux thématiques des droits de l’homme et de la discrimination.

Procès motivés par des raisons politiques

Marine Kapanadze, directrice du programme « Droits politiques » de la GDI, se concentre sur les actions collectives en justice. Grâce au soutien du FEDEM, la GDI peut aujourd’hui prendre en charge des affaires relatives à la liberté des médias et des affaires de diffamation introduites par l’État contre des sociétés de télédiffusion privées. Généralement, ces affaires très médiatisées s’avèrent complexes, car entamer une telle action collective en justice revient à s’opposer au gouvernement. Ces affaires revêtent toutefois une grande importance au sein du paysage médiatique très polarisé en Géorgie, qui limite la place accordée au journalisme impartial et non partisan.

« Les personnes qui accusent des journalistes de diffamation sont souvent soutenues par le ministère de l’Intérieur, leur objectif étant d’empêcher toute critique du gouvernement par les médias », explique Mme Kapanadze.

La GDI œuvre également à la défense des droits des minorités en Géorgie, notamment ceux des minorités ethniques et religieuses et de la communauté LGBTQI+. L’année dernière, la GDI a apporté une aide juridique à un autre partenaire du FEDEM, la Tbilisi Pride, dans le cadre de réunions avec les autorités pour l’organisation de la Marche des fiertés de 2021.

Après les agressions perpétrées le 5 juillet 2021 par des groupes homophobes d’extrême droite à l’encontre de militants de la Tbilisi Pride, la GDI a apporté un soutien juridique à des militants et journalistes, en les aidant à communiquer avec les forces de l’ordre. L’organisation a publié un rapport, intitulé « March of Dishonour » [« La parade du déshonneur »], qui détaille les violations des droits de l’homme commises ce jour-là et qui relève l’incapacité du gouvernement de protéger la communauté LGBTQI+.

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Sensibiliser la jeunesse aux droits de l’homme

La GDI consacre énormément de temps et de ressources à la sensibilisation du grand public, et notamment des jeunes générations. Le site web conçu par l’équipe, Civiceducation.ge – disponible en géorgien, arménien et azéri – se concentre particulièrement sur les besoins des étudiants issus de minorités et propose des ressources vidéo sur la démocratie, les droits de l’homme et l’égalité des sexes, à destination des élèves et de leurs enseignants. Le site a connu une importante hausse de fréquentation au moment du passage à l’enseignement en ligne durant la pandémie.

La GDI organise également les Olympiades de l’éducation civique – auxquelles ont participé quelque 1 200 étudiants l’année dernière – et elle collabore étroitement avec des enseignants de la capitale et des différentes régions du pays, abordant souvent des sujets tabous qui ne font pas partie du programme scolaire national. En 2020-2021, par exemple, la GDI a amorcé des discussions sur les problématiques LGBTQI+ en classe.

« Au départ, nous avions peur d’intégrer ce sujet à notre campagne contre les discriminations, car la Géorgie est un pays très religieux et conservateur », explique Mme Kapanadze. « Il s’est avéré que la plupart des enseignants étaient intéressés et prêts à discuter des discriminations à l’encontre des personnes LGBTQI+ avec leurs élèves. Pour nous, c’est la preuve qu’ils ont confiance en nous et en notre travail. »

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Des relations tendues avec le gouvernement

Depuis la répression violente des manifestations de 2019, la GDI éprouve des difficultés à coopérer avec les pouvoirs publics.

« Si l’objectif du gouvernement, en nous rencontrant, est de pouvoir dire qu’il s’est entretenu avec des acteurs de la société civile tout en continuant à ignorer nos revendications, cela ne nous intéresse pas », ajoute Marine Kapanadze. « Il n’y a pas de place pour le dialogue, et il y a un manque de volonté politique pour lutter contre les violations des droits de l’homme. Le parti au pouvoir contrôle la justice. D’après moi, nous dérivons vers un régime autoritaire et nos perspectives européennes sont menacées. »

Mme Kapanadze reste convaincue que le changement peut émaner de la société, malgré la détérioration de la situation politique et des droits de l’homme dans le pays. « Je ne fais pas confiance au gouvernement, mais j’ai foi en la société. Je pense que les Géorgiens ont soif de liberté et que notre travail peut les convaincre qu’un changement est important et nécessaire », précise-t-elle.

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Crédits photographiques : OSCE/Piotr Markowski

Une victoire devant la Cour européenne des droits de l’homme

L’été dernier, l’équipe a remporté une victoire historique devant la Cour européenne des droits de l’homme. Des tribunaux géorgiens avaient jugé que la publicité d’une entreprise géorgienne de production de préservatifs allait à l’encontre des principes moraux. L’entreprise se servait d’images associées à la religion et à l’identité nationale pour susciter un débat public sur des sujets tabous en Géorgie. La GDI a porté l’affaire devant la justice à Strasbourg.

« Pour nous, il s’agissait d’une affaire extrêmement importante », explique Mme Kapanadze. « Nous devions protéger la liberté d’expression. Les juges avaient rendu leur décision en se fondant sur des principes religieux et moraux et non sur les lois en vigueur. C’était une tentative déraisonnable de limiter la liberté d’expression. »

Cette victoire, tout comme le soutien financier apporté par le FEDEM, a galvanisé l’équipe de la GDI. « Nous pouvons nous concentrer sur la liberté des médias à l’heure où les journalistes sont de plus en plus menacés », souligne Marine Kapanadze.

Alors que la GDI s’apprête à fêter son dixième anniversaire, l’équipe prévoit d’élargir son champ d’action, en s’intéressant tout particulièrement à la surveillance de l’État, aux violences policières et à l’éducation civique dans la perspective des élections législatives de 2024.

Mme Kapanadze souhaite également mettre sur pied des canaux de communication plus dynamiques avec les citoyens. « Nous devons surmonter le manque de confiance des citoyens dans la société civile, en utilisant un langage plus clair et en nous mettant à leur place. Nous devons leur montrer en quoi ces problématiques ont des répercussions sur leur quotidien », conclut-elle.