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Center for Democracy Research

20 January 2022

Pour des parlements locaux et nationaux transparents et responsables en Turquie

Un groupe d’étudiants a créé une application innovante, « Referandom », afin de tenir les jeunes au courant des activités parlementaires et de leur permettre d’exprimer leur avis. Ces jeunes ont depuis créé un centre de recherche, au sein duquel sont étudiées les activités parlementaires. Ce centre abrite également une riche collection d’archives exceptionnelles sur les affaires parlementaires turques.

Center for Democracy Research

Kadir Yagiz Cetin, Arda Ozan Sirkeci et Yusuf Emre Serali n’étaient encore qu’étudiants quand ils ont créé l’application « Referandom » en 2020. Ils étudiaient respectivement le commerce international à Istanbul, les sciences politiques à Istanbul et le droit à Ankara. Tous les trois étaient passionnés par la « technologie civique » et souhaitaient trouver une solution numérique pour sensibiliser la population aux activités des parlements locaux et nationaux, pour augmenter le niveau de participation de la population à ces activités et pour demander des comptes aux législateurs.

Un pont technologique

Ils considèrent l’application « Referandom » non seulement comme un pont technologique entre la société et le parlement, mais aussi comme une solution pour améliorer la vie des citoyens. L’application permet à la population d’accéder à l’agenda parlementaire et de consulter les propositions et projets de loi. Les utilisateurs peuvent alors voter sur ces propositions et donner leur avis. M. Cetin décrit Referandom comme « une sorte de Twitter de la politique. Les citoyens peuvent ainsi se faire entendre auprès des politiques. »

Il se souvient que l’année précédant le lancement de l’application, l’équipe a suivi attentivement les décisions du parlement turc et des assemblées locales à Istanbul, Ankara et Izmir, ainsi que les retransmissions en direct de leurs débats.

« En Turquie, la population s’intéresse beaucoup à la politique », explique M. Cetin. « Elle s’informe grâce aux réseaux sociaux. Nous souhaitions rendre le processus plus transparent. » Et d’ajouter qu’en fournissant ces informations, l’équipe lutte également contre la désinformation et les infox.

Outre Referandom, le groupe a également commencé à produire des résumés, des vidéos et des GIFs sur les sessions parlementaires et à les publier sur les réseaux sociaux. L’application Referandom compte désormais plus de 9 000 utilisateurs, pour la plupart des jeunes. Les publications de l’équipe sur les réseaux sociaux permettent quant à elles de toucher plusieurs millions de citoyens turcs.

Grâce à une bourse du FEDEM, MM. Cetin, Sirkeci et Serali et leur équipe ont pu faire évoluer considérablement leurs activités.
Comme l’explique M. Cetin, la nouvelle organisation faîtière qu’il dirige, le Center for Democracy Research (CDR), établie en 2021, est active dans plusieurs domaines.

L’équipe actuelle, composée de seize personnes, principalement des étudiants, mène désormais des projets de recherche sur les lois adoptées par les parlements, tant au niveau local que national. Leurs derniers rapports concernent notamment la représentation des citoyens turcs LGBTQI+ au sein des parlements du pays, les stratégies adoptées par la Turquie face aux changements climatiques ces dernières années, notamment dans le cadre de la ratification de l’Accord de Paris, et les véritables raisons pour lesquelles certains partis sont fermés ou créés en Turquie, ainsi que le rôle que joue la Cour constitutionnelle dans ce processus.

L’équipe continue de publier des rapports et vidéos synthétiques sur ses recherches et sur les activités du parlement, mais aussi à animer la très populaire application Referandom.

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Les premières archives parlementaires de Turquie

Actuellement, le groupe s’emploie à archiver l’ensemble des activités parlementaires de ces vingt dernières années.
« Quand nous avons commencé, nous enregistrions les débats parlementaires, récoltions des données pour nos travaux et établissions des rapports sur la base de ces données. Nous nous sommes à présent lancés dans l’archivage de l’ensemble des activités parlementaires depuis 2002. Nous nous intéressons non seulement au parlement national, mais aussi aux parlements locaux », précise M. Cetin.

Il admet que la tâche n’est pas aisée, étant donné que les documents parlementaires turcs sont connus pour être difficiles à lire et sont généralement rédigés dans un langage formel et abscons. De plus, la majorité des éléments qui composent ces documents ne sont pas liés aux séances parlementaires. L’équipe traduit également toutes ces données en anglais.

« Il nous a fallu un an pour déterminer comment nous allions procéder. Le plus difficile a été de choisir quels éléments inclure ou non. Les comptes rendus écrits des débats font parfois une centaine de pages et la collecte manuelle des données prend énormément de temps », explique M. Cetin. Malgré ces défis, l’équipe envisage désormais d’établir une collection d’archives qui remonterait au lendemain de la révolution des Jeunes-Turcs de 1908.

« Nous essayons de remonter aussi loin que possible. En fait, ce projet ne s’arrêtera jamais, car des séances parlementaires se tiennent tous les jours », ajoute-t-il. « Ce sont les premières archives de ce type en Turquie. Nous souhaitons que des universitaires, des chercheurs et des journalistes puissent se servir de ces documents. »

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Des répercussions concrètes

Le Center for Democracy Research exerce déjà une certaine influence en Turquie. M. Sirkeci, directeur de la recherche au sein du CDR, se rappelle que, fin octobre, le centre a été évoqué au parlement national turc. Et ce, après que le CDR a analysé les votes des membres des différents partis sur un projet de loi au parlement. Cette analyse a ensuite été publiée sur les réseaux sociaux. Elle a révélé qu’un membre de l’opposition avait aligné son vote sur celui de la majorité, ce qui a généré un tollé sur les réseaux sociaux pendant plus d’une semaine.
« Ce tweet en particulier a atteint trois millions de personnes », précise-t-il.

Plus important encore, le CDR vient d’achever un partenariat de six mois avec le conseil municipal d’Izmir. Ce partenariat a donné naissance à « Izmir Reforandom.com », un site qui permettait à la population locale de donner son avis sur les activités municipales et d’entrer directement en contact avec les responsables politiques locaux.

Il ajoute que le CDR aurait aimé maintenir ce projet de façon permanente, mais que le conseil souhaite mettre sur pied sa propre plateforme. L’équipe tente désormais de lancer un projet similaire avec le conseil municipal d’Istanbul.

« De la sorte, nous faisons grandir notre application Referandom, nous la faisons évoluer », explique-t-il.

Des étudiants devenus chercheurs

Quand on leur parle d’avenir, les fondateurs du CDR, certes étudiants, voient cette initiative comme leur « projet de vie ».

« Nous avions des objectifs ambitieux quand nous avons créé Referandom. Nous voulions être pris au sérieux, mais avant de recevoir la bourse du FEDEM, ce n’était pas gagné. Aujourd’hui, grâce à cette aide, nous sommes à la tête d’un centre de recherche. Nous ne sommes plus des étudiants qui s’amusent. Nous sommes des professionnels pris au sérieux », affirme M. Cetin.

S’il reconnaît que le climat politique actuel en Turquie, avec des élections qui se profilent, ne permet pas de faire des plans à long terme, M. Cetin et son équipe ont un objectif très clair. « Notre objectif est de défendre les valeurs démocratiques dans notre pays, de pousser le parlement à partager davantage d’informations, à être plus transparent et plus accessible, et de garantir que la population puisse plus facilement prendre part aux activités parlementaires », conclut-il.