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Helmi Araj et le Centre pour la défense des libertés et des droits civils, Hurryyat

4 November 2021

Mettre fin aux mauvais traitements et à la torture infligés aux prisonniers.

Depuis plus de 30 ans, Hurryyat défend les droits des prisonniers. Aujourd’hui, sa lutte contre la torture dans les prisons est vitale pour l’avenir de la Palestine.

Helmi Araj et le Centre pour la défense des libertés et des droits civils, Hurryyat

En juin dernier, Nizar Banat, militant politique palestinien, défenseur des droits humains et figure de l'opposition à l'Autorité nationale palestinienne, a été assassiné dans une attaque brutale menée par les forces de sécurité palestiniennes qui l’on enlevé à H2, à Hébron, une zone de la ville contrôlée par les militaires israéliens, où il se cachait.

Sa mort a déclenché la fureur des citoyens descendus dans la rue, déjà alimentée par l’annulation au mois de mai de ce qui devait être les premières campagnes législative et présidentielle depuis 15 ans et par une défiance croissante à l’égard du régime considéré par beaucoup comme corrompu, répressif et manipulé par les autorités israéliennes. Le procès de 14 officiers de la sécurité accusés de l’assassinat de M. Banat s’est ouvert en septembre.

Depuis plusieurs mois, le Centre pour la défense des libertés et des droits civils, Hurryyat, comme de nombreuses autres organisations de la société civile, réclame l’ouverture d'une enquête indépendante sur la mort de M. Banat. Pour Helmi Araj, directeur exécutif et co-fondateur d’Hurryyat, son organisation établie à Ramallah est tout à fait légitime pour émettre une telle requête.

« Depuis plus de trente ans, Hurryyat entretient avec les services de sécurité des relations basées sur la clarté, le courage et l’objectivité. Il est très compliqué de travailler avec eux, mais notre approche repose sur la critique constructive afin de sensibiliser et de développer une culture de la reddition de comptes. Nous ne pouvons attendre de l’occupant israélien qu’il rende des comptes si nous nous affranchissons nous-mêmes de cette exigence », déplore M. Araj.

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Défendre les droits des prisonniers

Comme l’explique M. Araj, le mot Hurryyat, qui signifie « liberté », a une connotation particulière pour les Palestiniens, la vie des habitants de cette région étant modelée à leur désir de liberté.

Nombreux sont les Palestiniens ou des membres de leur famille qui ont exécuté des peines de prison. Selon les propres statistiques d’Hurryyat, il y aurait actuellement 4 650 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, dont 200 enfants et 40 femmes.

  1. Araj a été arrêté à de multiples reprises au cours des vingt dernières années et effectué plusieurs peines de prison. Ces expériences et sa formation juridique jouent un rôle majeur dans sa conviction que le droit international est le bon outil pour défendre la liberté et les droits civils des Palestiniens.

Hurryyat est né dans le sillage de l’incarcération d’enfants palestiniens à Hébron et à Ramallah, arrêtés pour avoir jeté des pierres pendant la période de manifestations massives dans la région qui a donné lieu à une vague de démolition de maisons palestiniennes. Un grand nombre de ces enfants risquaient des peines pouvant aller jusqu’à 20 années d’emprisonnement.

Aujourd'hui, l’action de l’organisation s’opère sur trois fronts : fournir des services médicaux aux prisonniers malades incarcérés dans les prisons israéliennes, défendre le droit de circulation des Palestiniens qui ont interdiction de se déplacer, ce qui a été pendant plusieurs années le cas de M. Araj, et lutter contre la torture dans les prisons palestiniennes.

« Nous examinons chaque affaire afin de déterminer le meilleur moyen de venir en aide à ces personnes », explique M. Araj, faisant remarquer que lui et son équipe collaborent étroitement avec les services de l’Autorité palestinienne chargés de la justice et les organes s’occupant des affaires liées aux prisonniers.

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Contrôle de lois adoptées par l’Autorité palestinienne

Le contrôle des législations adoptées par l’Autorité palestinienne est un aspect important du travail réalisé par le Centre, tout comme le lobbying mené pour introduire des changements législatifs. Comme l’explique M. Araj, en 2020, l’Autorité palestinienne a tenté d’adopter une loi visant à entraver le processus de création d’organisations et d’associations.

« Cette loi nous a paru totalement inacceptable et nous avons fait campagne contre elle », s’indigne M. Araj. « Nous avons organisé des conférences et des débats avec le réseau ONG palestiniennes (PONGO), le Conseil palestinien des organisations de défense des droits de l'homme et des membres de l’Autorité palestinienne, et avons travaillé en étroite collaboration avec un syndicat d’avocats. Nous avons organisé des sit-ins et fait entendre notre point de vue, ainsi que celui de la société civile. Grâce à ce travail, les autorités ont finalement remisé leur projet de loi. Il va sans dire que la pression internationale a joué en notre faveur. »

Lutte contre la torture en prison financée par le FEDEM

Une subvention opportune versée par le FEDEM permet à Hurryyat de poursuivre son action contre la torture et les traitements inhumains en prison. Le centre faisait face à un problème de financement du fait que l’aide de l’UE en faveur de ce projet était arrivée à son terme. Ce travail consiste à informer les détenus sur leurs droits et à proposer des formations aux agents de sécurité, juristes et étudiants en droit d'universités palestiniennes afin de les sensibiliser au droit national et international en matière de droits de l’homme et de torture.

M. Araj souligne que la Palestine a signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée sous l'impulsion des Nations unies en 2014. Cependant, les arrestations arbitraires et la torture de militants pacifistes restent généralisées et la torture n’est toujours pas officiellement reconnue comme un crime dans le droit palestinien. Pour M. Araj, la pédagogie dans ce domaine est essentielle.

« La mort de Nizar Banat a mis en évidence l’importance et la nécessité de formation et de reddition des comptes des services de sécurité. De nombreux membres de la société civile prônaient un boycott des services de sécurité, mais nous pensons au contraire, que nous devons travailler avec eux. C’est le seul moyen d’éviter la récurrence d’événements similaires à l’avenir », insiste-t-il.

Grâce à la subvention allouée par le FEDEM, Hurryyat a organisé plusieurs séances de formation en Cisjordanie, adressées aux services de sécurité et auxquelles ont assisté un nombre d’officiers supérieur à ce qui était attendu, signe du besoin de changement, selon M. Araj.

« Nous expliquons aux officiers que la torture est un crime grave et qu’ils ne seront pas protégés par les dirigeants. Nous les sensibilisons à l’importance de respecter la loi. Il règne dans les forces de sécurité une véritable agitation car de nombreux officiers ne savent pas quel comportement adopter. Ce drame a nui à l’image du système politique, et ils le savent », assène M. Araj.

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Renouveler la légitimité du système politique

Pour M. Araj, il est urgent d’annoncer la date des nouvelles élections. « Les élections sont le seul moyen de sortir de l’actuelle crise politique. Elles permettront au système politique de retrouver sa légitimité. Ce serait également l’occasion d’amender les lois sur la torture et les droits des femmes, ainsi que sur les violences sexistes et conjugales. » À cet effet, M. Araj fait remarquer que Hurryyat prévoit d’intervenir sur ces sujets à l’avenir.

En attendant, Hurryyat espère séduire de nouveaux donateurs et étendre son travail en prison en recrutant des juristes supplémentaires.

M. Araj sait que le chemin à parcourir est encore long en Palestine. « Nous sommes engagés dans une bataille et nous le savons. Il ne peut y avoir d’avenir pour le système politique en Palestine s’il ne respecte pas la liberté d’expression et d’opinion, et s’il n’interdit pas officiellement la torture. Et c’est ce que nous disons à tout le monde : aux services de sécurité, aux médias et aux citoyens », conclut-il.