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Tavush TV

20 October 2021

Une nouvelle chaîne télévisée en Arménie met l'accent sur l'intégrité journalistique

Créée en avril 2020 par le journaliste chevronné et expert en situations d’urgence Nikolay Grigoryan, Tavush TV communique des informations indispensables et diffuse des émissions éducatives dans le nord-est de l’Arménie.

Tavush TV

« L’atmosphère en Arménie est pesante, psychologiquement et moralement », explique au FEDEM Nikolay Grigoryan, fondateur et directeur général de Tavush TV.

L’Arménie a été touchée à la fois par la pandémie de COVID-19 et par le conflit armé de 44 jours avec l’Azerbaïdjan en 2020, qui a fait des milliers de victimes. Dans de nombreuses régions frontalières du pays, les conditions de vie sont précaires, notamment dans la région du Tavush, dans le nord-est du pays.

Les médias comme acteur clef du développement durable

Outre les menaces pour la sécurité des habitants du Tavush, de nombreux obstacles entravent le développement de la région. La population n’a pas facilement accès aux soins de santé. Le taux de chômage des jeunes est élevé et la région est fréquemment frappée par des inondations et des glissements de terrain. La préservation du patrimoine culturel historique de la région est loin d’être une priorité.  

Comme le souligne M. Grigoryan, par le passé, il s’est également avéré difficile de mobiliser la population autour de questions de société. Ces six dernières années, il n’existait aucun média local dans le Tavush, aucune chaîne de télévision ou de radio locale ni même de média en ligne de qualité.

En tant qu’ancien fonctionnaire, expert dans le domaine des crises et des situations d’urgence, journaliste et désormais fondateur d’une chaîne de télévision, M. Grigoryan a toujours considéré qu’il avait pour mission de combler le manque de connaissances du public sur les situations d’urgence et le développement durable. En 2000, il a fondé Emergency Channel, une association qui diffusait des émissions sur les situations d’urgence et proposait des formations sur cette thématique. Elle diffusait du matériel didactique et donnait des formations visant à améliorer les connaissances et compétences de la population quant à la manière de réduire les risques en situations d’urgence.  

C’est après la révolution de velours en 2018 que Nikolay Grigoryan a saisi l’importance de mettre sur pied un média local dans le Tavush pour soutenir le programme de développement durable de la région. En 2020, il a donc décidé de créer Tavush TV.

« Dès le départ, nous souhaitions que Tavush TV se concentre sur le développement durable et la réaction aux situations d’urgence. La télévision permet d’instruire et de mobiliser la population ; elle ne sert pas uniquement à diffuser des informations », explique-t-il.  

Tavush big group

Un média indépendant

Les autorités locales ont aidé Tavush TV à obtenir une licence de diffusion, des locaux et des équipements de base, et elles ont financé le lancement de la chaîne. Toutefois, ces subventions se sont taries lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé l’Arménie. La survie des médias dépendant généralement de subventions publiques au vu du marché de la publicité peu développé dans le pays, la subvention accordée à Tavush TV par le FEDEM a largement permis d’assurer l’indépendance de la chaîne.

« Le FEDEM nous a avant tout donné de l’espoir. Ensuite, il a ouvert le champ de nos possibilités, il nous a permis de renforcer nos capacités et il nous a donné une véritable chance de nous lancer sans devoir prendre des raccourcis ou faire l’impasse sur certains sujets », explique Nikolay Grigoryan. 

Depuis plus d’un an, Tavush TV diffuse diverses émissions traitant de thématiques économiques, écologiques et culturelles à l’échelle locale. Les contenus de la chaîne s’adressent à la population au sens large, y compris aux enfants, aux jeunes et aux personnes âgées. Ses émissions portent notamment sur des événements, sur le patrimoine culturel et sur le développement durable, le tout grâce à une équipe constituée au cours de l’année écoulée.

« Quand nous avons lancé la chaîne, nous ne pouvions pas répondre à la demande. Aujourd’hui, nous sommes sans cesse contactés par rapport à des événements organisés aux quatre coins de la région et nous disposons des équipes et des équipements nécessaires pour les couvrir », déclare-t-il.

Il souligne également que la population locale apprécie cette couverture des événements dans le Tavush : « Les habitants aiment regarder des émissions qui parlent d’eux. »

Escalade de la guerre

Tavush TV n’a jamais été aussi essentielle.

En juillet 2020, la région du Tavush a été le théâtre de l’une des escalades de la violence les plus graves entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis 2016. Les habitants des zones situées le long de la ligne de front s’informaient sur la situation grâce aux réseaux sociaux et à la télévision nationale, mais ces informations étaient souvent désuètes ou fausses, ce qui a engendré peur et panique au sein de la population locale. Ces premiers affrontements armés ont d’ailleurs été les prémices d’un conflit bien plus sanglant, plus tard la même année. 

Tavush TV a répondu présente tout au long de cette période difficile, en fournissant à la population des informations fiables et indépendantes.

« Il importe de comprendre les besoins de ces populations qui vivent le long d’une frontière internationale et qui subissent des bombardements réguliers ; il faut comprendre leurs traumatismes psychologiques. Il faut veiller à trouver des sujets qui soient à la fois intéressants et utiles pour ces habitants », explique M. Grigoryan. 

tavush big office

Former la nouvelle génération

Nikolay Grigoryan consacre une grande partie de son temps à la formation de jeunes journalistes dans la région, dont beaucoup partent ensuite travailler pour des médias nationaux à Erevan. Il évoque la pénurie de journalistes de qualité dans le pays, et en particulier dans sa région, et il explique que de nombreux projets bénéficiant de soutiens internationaux n’offrent pas de véritable expérience professionnelle aux jeunes journalistes.

M. Grigoryan insiste sur l’instauration d’une culture du journalisme indépendant et éthique chez ses collègues et chez les journalistes en herbe qui viennent travailler pour Tavush TV.

Cette volonté d’offrir des contenus irréprochables sur le plan éthique s’est avérée cruciale lors de la compagne pour les élections législatives de 2021 en Arménie. Au cours de cette campagne, souvent marquée par le pessimisme et l’immoralité, M. Grigoryan et son équipe ont accordé à tous les candidats le même temps d’antenne.

« Notre travail envoie un message démocratique important. Nous avons montré que les journalistes ne devaient pas rester en retrait, ou se sentir obligé de trahir leurs principes », souligne-t-il. « L’indépendance à laquelle nous sommes parvenus est précieuse. »

La chaîne donne également la parole à des organisations de la société civile, ce qui les aide à entrer en contact avec la population locale.

S’étendre à d’autres régions

Les choses évoluent rapidement chez Tavush TV. M. Grigoryan a récemment signé un accord pour que les programmes de la chaîne soient rediffusés dans toute l’Arménie, permettant ainsi à d’autres régions de bénéficier de ses contenus éducatifs.

Tavush TV prévoit également de créer une station de radio, de lancer un nouveau site web et d’ouvrir un centre de formation régional. Elle attire désormais des partenaires à plus long terme ainsi que des subventions plus durables, ce qui lui permettra de préserver son indépendance.

M. Grigoryan réfléchit aussi à son rôle dans l’avenir de Tavush TV et dans le journalisme arménien en général.

« Quand vous observez le travail des journalistes à travers le monde et que vous pensez à notre culture, vieille de 2 000 ans, d’historiens arméniens qui relatent guerres et crises et la manière dont elles ont été gérées, cela vous motive à devenir une référence et un guide pour les journalistes d’aujourd’hui et de demain », conclut-il.