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Andriy Klymenko

8 October 2021

Une couverture de l’actualité en Crimée en prise directe avec le terrain

D’éminents experts ainsi que des organisations internationales, notamment l’OTAN et l’UE, considèrent désormais Black Sea News comme une source fiable d’informations et d’analyses objectives de grande qualité concernant la Crimée, cette péninsule ukrainienne occupée, de manière temporaire et illégale, par la Russie.

Andriy Klymenko

Цей матеріал також доступний українською

En août dernier a eu lieu à Kiev le très attendu Sommet de la Plateforme de Crimée, qui a réuni 46 pays démocratiques. Le nom d’un des participants, Andriy Klymenko, est directement associé à la Crimée. Ingénieur travaillant sur des systèmes d’enseignement automatisés, M. Klymenko est le rédacteur en chef du portail bilingue Black Sea News (BSN), qu’il a cofondé à Yalta en 2010.

Prédire le pire

« Les pays du bassin de la mer Noire, pourtant géographiquement très proches les uns des autres, ne savaient bien souvent pas ce qu’il se passait sur la rive opposée », répond M. Klymenko quand on lui demande pourquoi son équipe d’experts de Yalta et lui-même ont décidé de lancer Black Sea News.

Ils avaient également bien conscience que la présence militaire russe en Crimée représentait un facteur important pour l’ensemble de la région, mais également un risque politique. 

Klymenko a été l’un des premiers experts à tirer la sonnette d’alarme en septembre 2013, anticipant des opérations militaires russes dans la péninsule, quelques mois avant la révolution ukrainienne de la dignité et l’annexion illégale subséquente de la Crimée.

Il a réitéré son avertissement à deux reprises : en janvier 2014 et le 22 février 2014, après la victoire de la révolution de la dignité.

« Personne n’y a prêté attention et personne n’a pris de mesures pour prévenir une éventuelle opération militaire russe », déclare-t-il. « Le 26 février, l’opération menée par les “petits hommes verts” – autrement dit les forces spéciales russes – a débuté. »

Le lendemain, M. Klymenko et ses collaborateurs ont décidé de couvrir les événements dans des articles destinés aux Ukrainiens et à un public international depuis un endroit sûr à Yalta. Du jour au lendemain, BSN est devenue une agence de presse criméenne au cœur de l’actualité.

Le portail a établi un vaste réseau de correspondants à travers la Crimée et était en relation directe avec les personnels de la marine, les soldats et les officiers ukrainiens assiégés par les forces russes. Les journalistes de BSN ont ainsi pu couvrir en détail la situation sur le terrain.

Le portail BSN a rapidement obtenu une reconnaissance mondiale. « En mars 2014, j’ai accordé des centaines d’entretiens à des médias ukrainiens et internationaux », explique M. Klymenko. « Bien entendu, cela a également eu des répercussions négatives, puisque les services secrets russes ont commencé à s’intéresser à nous. »

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Fuir la Crimée à la hâte

Le 6 avril 2014, Andriy Klymenko et son équipe se sont rendu compte qu’ils devaient fuir la Crimée, après avoir été avertis qu’ils risquaient de se faire arrêter. C’est ce jour-là également que les derniers personnels de la marine ukrainienne ont quitté la péninsule occupée. M. Klymenko et ses collaborateurs ont alors embarqué à Simferopol dans un train à destination de Kiev – à l’époque, les trains roulaient encore –, n’emportant que l’essentiel. Ils ont dû laisser derrière eux leur emploi, leur appartement, leur voiture ainsi que tous leurs autres effets personnels.

« L’armée effectuait déjà des contrôles à la gare ferroviaire de Simferopol, donc nous avons sciemment acheté des billets en première classe, car ces passagers ne subissent pas de contrôles aussi approfondis », se rappelle Andriy Klymenko. « Nous avons été soulagés d’apercevoir les premiers officiers ukrainiens dans l’oblast de Kherson, quand nous avons passé la frontière. Nous avons alors compris que nous étions en sécurité ! »

Un honneur d’être qualifié de « terroriste » par la Russie

À leur arrivée à Kiev, les membres de l’équipe ont immédiatement relancé les activités de BSN, alors même que les services secrets russes continuaient de les poursuivre.

Après une apparition très médiatisée de M. Klymenko devant un large panel d’experts et de journalistes américains – à l’occasion d’une réunion de l’Atlantic Council sur la Crimée, organisée à Washington, où il a affirmé que Vladimir Poutine était un mélange de Staline et d’Hitler –, le FSB a lancé une enquête criminelle à son encontre. Il a été accusé de terrorisme et d’extrémisme pour avoir remis en question l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie en clamant que la Crimée appartenait à l’Ukraine.

Son nom a été ajouté à la liste officielle russe des « terroristes et extrémistes de la Fédération de Russie ». Andriy Klymenko s’en amuse : « Nous avons ainsi la confirmation des autorités russes que nous menons les bonnes actions ! C’est un honneur pour moi de figurer sur cette liste aux côtés de personnalités remarquables telles que Refat Chubarov, le président du Majlis des Tatars de Crimée, le réalisateur Oleh Sentsov, le journaliste ukrainien réputé Mykolo Semena ainsi que d’autres amis et collègues de Crimée. »

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Pas de sanctions occidentales sans les échos de BSN

Lorsque le FEDEM a demandé à M. Klymenko pourquoi les autorités russes se montraient si nerveuses à l’évocation de BSN, il a expliqué, prenant les choses du bon côté : « Après notre installation à Kiev, nous avons décidé avec la rédaction de nous concentrer sur toutes les violations potentielles du droit international, des droits de l’homme et des sanctions occidentales en Crimée. »

BSN est le seul média à publier des rapports systématiques sur le respect des restrictions en matière de liberté de navigation en mer Noire et en mer d’Azov. Le portail fournit également des preuves des violations des sanctions internationales interdisant aux navires étrangers d’entrer dans les ports de la péninsule et aux avions étrangers d’atterrir dans ses aéroports.

M. Klymenko et d’autres experts de BSN sont souvent invités par des partenaires occidentaux, des ambassades étrangères ou des organisations internationales pour faire le point sur la situation en Crimée. Les informations disponibles sur le portail sont régulièrement utilisées par ces acteurs internationaux comme base pour l’imposition de sanctions supplémentaires à l’encontre de la Fédération de Russie.

« Je suis toujours ravi de lire mes phrases dans d’importants documents internationaux, comme les résolutions du Parlement européen sur la situation en Crimée », explique M. Klymenko, mettant en lumière un autre aspect important du travail d’analyse des experts de Black Sea News.

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Les relations avec l’État et les donateurs

En collaboration avec ses collègues, Andriy Klymenko a rédigé à l’été 2014 la toute première stratégie de désoccupation de la Crimée. Les autorités ukrainiennes ont mis sept ans à emboîter le pas et à élaborer, en 2021, la stratégie d’État officielle en la matière, à laquelle M. Klymenko a également été invité à contribuer. D’après lui, cela montre que le regard des autorités a changé vis-à-vis des initiatives telles que BSN.

Il a également remarqué que peu de donateurs comprenaient la nécessité de soutenir les laboratoires d’idées. « Ils préfèrent que leur soutien soit plus visible, et ils privilégient donc les conférences, les flash mobs et d’autres événements de ce type. Généralement, ce sont des subventions à court terme », ajoute-t-il. Il se dit particulièrement reconnaissant à l’égard du FEDEM pour la subvention octroyée à BSN, qui permet au portail d’établir une stratégie sur plus d’un an, ce qui est le minimum nécessaire pour toute opération de sensibilisation.

Andriy Klymenko est persuadé que, bientôt, les autorités ukrainiennes exploiteront pleinement le potentiel de BSN et se mettront également à soutenir financièrement le portail. Les donateurs occidentaux, à l’image du FEDEM, sont une source d’inspiration à cet égard.