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Davit Petrosyan

31 May 2021

Restart Foundation for Science and Education

Quand une action estudiantine menée en faveur de la réforme de l’université promet d’avoir des répercussions sur l’avenir démocratique du pays.

En mars dernier, fut adoptée en Arménie une législation établissant un nouveau système pour les instances étudiantes au sein des universités publiques qui bénéficieront désormais d’un financement durable.

Dans le cadre de la nouvelle loi arménienne « Sur l'enseignement supérieur et la science », cette législation a été largement adoptée grâce au travail soutenu de Restart Foundation for Science and Education, un mouvement étudiant qui, depuis sa création en 2018, est le catalyseur du combat pour la réforme de l’enseignement et la lutte contre la corruption.

La voie ouverte à des réformes plus vastes

Davit Petrosyan, co-fondateur de Restart et responsable des programmes, nous explique que traditionnellement, chaque université en Arménie avait un Bureau des étudiants. Si à l’origine, ces bureaux étaient censés représenter les intérêts des étudiants et défendre leurs droits au sein des universités, ils sont sournoisement devenus une plateforme institutionnelle d’engagement citoyen étroitement rattachée au parti au pouvoir.

Comme le dit Davit, « quiconque souhaitait embrasser une carrière politique se devait d’entrer au Bureau des étudiants. Mais ces bureaux ont servi à opprimer plutôt qu’à protéger les étudiants, en particulier ceux qui tentaient de s’ériger contre le système. De nombreux étudiants ont subi une forte pression psychologique et ont été victimes d’agressions physiques. »

Pour Davit, cette réforme ne fera pas que transformer les universités, elle a le potentiel d’ouvrir la voie à la démocratie en Arménie.

« Le seul moyen de véritablement bousculer le système en Arménie et d’introduire les changements que nous réclamions pendant la Révolution de velours de 2018, c’est de réformer une institution à la fois. Comme je vois les choses, cette législation ira au-delà de la réforme du mode de fonctionnement des universités. Nous commençons par les universités mais d’autres institutions de l’État suivront », affirme-t-il

Et c’est opinion est partagée par bien d’autres, y compris par ceux qui s’opposent à l’agenda des réformes. La législation a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Premier ministre, mais elle doit encore être ratifiée par le Président, comme l’exige la constitution arménienne. Selon Davit, cette réticence de la part du Président, issu de la lignée du précédent régime, est un signe fort du potentiel qu’a cette législation a, à terme, de libérer les institutions étatiques de sa mainmise.

« Le précédent gouvernement contrôlait toutes les institutions du pays et les universités étaient un pilier important du maintien et de la continuité de ce système. L’ancien Premier ministre présidait le Conseil d’administration, l'organe directeur des universités et les Bureaux des étudiants étaient contrôlés par le parti au pouvoir. Les universités servaient les intérêts du gouvernement. Elles n’avaient absolument aucune visée pédagogique, ni éducative », explique Davit.

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Un combat qui mène à un autre

À l’origine, quand Restart fut créé début 2018, le mouvement ne s’intéressait pas directement aux universités. Davit avait fait parler de lui dans le pays quelques mois plus tôt alors qu’il avait entamé une grève de la faim pour protester contre les changements introduits dans la législation impactant le sursis jusque-là accordé aux étudiants en doctorat avant d’être appelés pour effectuer leur service militaire.

C’est cette expérience, ses rencontres avec les dirigeants universitaires et la frustration des étudiants voyant leurs droits bafoués dans un système universitaire hautement politisé et peu concerné par la qualité de ses enseignements, qui ont motivé la création de Restart. Les étudiants étaient le moteur de la Révolution de velours arménienne et pour beaucoup, il ne peut y avoir de véritable changement sans une réforme profonde du secteur de l’enseignement supérieur.

Comme l’explique Davit, avec la nouvelle législation, les étudiants peuvent désormais créer des associations et instances étudiantes chargées de défendre les intérêts et les droits des étudiants, éliminant l’ancien monopole exercé par les Bureaux des étudiants. Ces instances peuvent même bénéficier de ressources mises à disposition par les universités.

De l’autonomisation des étudiants à l’autonomisation de la société

Davit est également convaincu que, utilisés à bon escient, les Bureaux des étudiants peuvent jouer un rôle clé dans l’autonomisation des jeunes et de la société à long terme, et sont un outil efficace favorisant une ouverture et un changement des mentalités.

« Avec cette législation, les étudiants peuvent participer à l’agenda des réformes. Sous l’ancien système, tout était organisé de manière à écraser la moindre idée subversive. Il est essentiel de sortir de ce schéma de pensée institutionnel et d’encourager les étudiants à jouer un rôle actif dans la résolution des problèmes, dans l’instauration d'une plus grande justice et de s’attaquer aux problèmes sociaux », résume-t-il.

S’il admet que le ministère de l’Éducation et des Sciences a tardé à accepter les réformes préconisées par Restart, Davit se dit convaincu de l’émergence d’un véritable sentiment démocratique dans le pays, même si le chemin à parcourir est encore long. Comme de nombreux autres activistes de la société civile en Arménie, les membres du groupe ont souvent été la cible de propos haineux de la part de ceux qui s’opposent à tout changement et prônent sans relâche le statu quo.

Comme il l’explique, « le gouvernement n’est pas contre plus de démocratie mais il n’a aucune idée de la marche à suivre. C’est un processus. Cette génération de représentants politiques appartient à un système qui est intrinsèquement anti-démocratique et qui croit encore que pour être respecté, il faut être puissant. Pour agir démocratiquement, nous devons lutter contre le système tel qu'il est aujourd'hui, mais ça n’est pas toujours facile quand celui-ci s’emploie habilement à vous broyer. Voilà pourquoi il était essentiel de commencer avec les universités : c’est en éduquant et en sensibilisant la jeune génération que notre démarche portera ses fruits. »

Initiative régionale

À l’origine, le FEDEM avait accordé une aide à Restart en tant qu’initiative locale. Au fil des ans, l’association s’est développée de manière exponentielle et elle intervient désormais dans tout le pays avec des milliers d’étudiants bénévoles qui prêtent main forte à l’équipe dirigeante de douze personnes établie à Erevan. Restart compte également à ses côtés des organisations partenaires à Ijevan et Gyumri, ainsi que sept autres groupes non formels disséminés dans le pays.

Les fondateurs de ces organisations régionales ont été séduits et inspirés par l’action de Restart après avoir participé à un camp annuel de Restart, un peu à l'image des universités d’été de certaines organisations.

Ces rencontres annuelles sont l’occasion de dispenser ce que Davit qualifie d’éducation informelle qui permet aux participants d’acquérir des compétences qui ne sont toujours pas enseignées dans les universités arméniennes, comme la pensée critique, l’éducation aux médias, la liberté académique, les principes démocratiques et l’État de droit. L’équipe apporte d’ailleurs actuellement les dernières touches à son troisième camp qui compte quelque 120 étudiants inscrits très motivés.

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Responsabilité sociale

L’organisation s’est désormais imposée comme une plateforme alternative, indépendante et sécurisée où les étudiants peuvent librement exprimer leurs doutes et s’impliquer dans le militantisme citoyen. À ce jour, Restart a organisé des centaines d’activité très variées, notamment des cours de yoga, des sorties à vélo, des clubs de débats, des expositions, des rendez-vous qui sont toujours annoncés sur la page Facebook de l’organisation.

Les membres ont également activement participé à la campagne d’information du public sur les risques liés à la pandémie de Covid-19, distribuant des prospectus et affiches sur les mesures à adopter pour éviter la propagation du virus. Ils ont également distribué des masques et produit plusieurs vidéos informatives sur le coronavirus.

Davit précise qu’au lendemain du conflit du Haut-Karabagh, les membres ont également participé à divers projets destinés à améliorer l’état psychologique des étudiants.

Pour lui, l’intérêt suscité par Restart est la preuve que les étudiants sont avides de voir se dessiner un changement réel dans leur pays, mais il pense aussi que cela ne pourra survenir sans l’émergence d’une opposition solide. Il se dit convaincu qu’avec la réforme engagée sur le mode de fonctionnement des Bureaux des étudiants, les étudiants auront tout le loisir d’acquérir l’expérience, les ressources et les connaissances dont ils ont besoin pour mener à bien cette entreprise.