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Green Leaf

6 May 2021

Vlad Balinskiy - L’homme qui sème le vert à Odessa

Avec son ONG Green Leaf, Vlad Balinskiy, ancien ingénieur en biochimie, s’est mis en tête de faire de sa ville natale une ville plus verte et plus agréable à vivre.

Green Leaf

Цей матеріал також доступний українською

« Un jour le musée de la ville d’Odessa rendra hommage à Vladyslav Balinskiy », écrivait un jour un ami sur le mur Facebook de Vlad Balinskiy, ajoutant « Vladyslav, c’est cet éternel optimiste altruiste qui se bat pour le moindre mètre carré de notre ville afin d’y planter des arbres et qui rend notre ville plus verte ».

Vlad, diplômé en chimie biologique, est un homme très pris et très demandé. Même pendant son entretien avec le FEDEM, il reçoit d’innombrables appels d’écoles ou de citoyens-militants qui sollicitent ses conseils ou demandent des renseignements sur des opérations de plantation d’arbres, ou encore de la part de journalistes qui veulent l’interviewer sur les derniers sujets environnementaux brûlants dont tout le monde parle en ville.

Cette reconversion qui a fait de cet ingénieur biochimiste et homme d’affaires l’un des militants citoyens les plus emblématiques et des plus respectés à Odessa n’a pas été simple. Odessa, jolie ville portuaire sur la Mer Noire, est aussi connue sous le nom de la « Parlerme ukrainienne ». Les organisations criminelles locales sont réputées entretenir des liens étroits avec les fonctionnaires de la ville et le maire d’Odessa fait actuellement l’objet d’une enquête pour des faits de corruption.

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Tournant décisif : la Révolution de la dignité

Pour Vlad, la transformation a germé dans son esprit durant la Révolution de la dignité et plus précisément en mai 2014, après le tragique incendie de la Maison des syndicats qui a coûté la vie à des dizaines de personnes. Cet incendie a été causé par la violence d’activistes pro-Russes d’Odessa qui tentaient d’instaurer une république populaire séparatiste. Aujourd'hui encore, la propagande russe utilise cet événement pour dépeindre les événements de Maidan comme un « sanglant coup d’état fasciste ».

L’un de ses premiers engagements citoyens fut la rédaction d’un rapport sur ce dramatique incendie, sur lequel se sont appuyées plusieurs institutions, comme la Cour européenne des droits de l'homme et le ministère public.

« Il m’est apparu comme une évidence pendant cette période mouvementée que je ne pourrais pas me contenter d’observer. J’avais besoin de plus m’impliquer pour contrer toute cette agression et propagande russe dans mon pays et dans ma ville », explique Vladyslav. « J’avais des amis qui se battaient au front et je les aidais. C’est eux qui m’ont fait prendre conscience que nous devions tous nous battre pour une Ukraine meilleure. »

La bataille menée par Vlad est celle de la protection environnementale, de la lutte contre les constructions illégales et de la protection des sites historiques d’Odessa. Pour lui, « cette corruption est liée au même mal, les infractions à la législation, qui consument et détruisent l’Ukraine de l’intérieur. »

Sauver le Boulevard français

La toute première action publique prise par l’ONG Green Leaf fondée par Vlad et ses amis a eu lieu sur l’historique Boulevard français, une rue pittoresque connue pour son allée bordée d’arbres centenaires. En 2015, les autorités locales ont décidé d’abattre les arbres pour élargir cette magnifique rue emblématique et en faire une voie rapide.

« Nous avions recueilli des milliers de signatures contre ce projet de la mairie, mais cela n’a eu aucun effet. Nous nous sommes associés avec des historiens, des enseignants, des ingénieurs et des experts, qui ont écrit de nombreux articles sur ce boulevard unique en son genre. Nous avons alors organisé des expositions de photos publiques sur le Boulevard », se souvient-il.

Green Leaf a fini par utiliser les réseaux sociaux pour appeler les citoyens à descendre dans la rue et à planter de nouveaux arbres à la place de ceux qui avaient déjà été abattus. Plus de 500 personnes sont venues et ensemble, elles ont planté 220 nouveaux arbres.

Gendarme des pouvoirs publics

Cette première action fructueuse a fortement inspiré la toute jeune ONG. Il fut alors décidé d’élargir son champ d’action pour y inclure la surveillance de l’utilisation faite des deniers publics (et d’éventuelles malversations) pour la construction de routes, l’amélioration des infrastructures de la ville, la sécurité anti-incendie dans les bâtiments publics et les travaux de rénovation des sites historiques de la ville.

Les membres de l’ONG se rendaient sur les chantiers équipés de caméras pour enregistrer l’avancée et la qualité des travaux. Suite aux analyses réalisées par Green Leaf et documentant des détournements de fonds publics, des militants ont entamé des poursuites judiciaires contre des fonctionnaires de la ville.

Inévitablement, ces fonctionnaires n’ont pas apprécié l’émergence de ces voix discordantes. « Au début, nous avons dû faire face à une énorme pression, et même des menaces. Mais plus les fonctionnaires nous attaquaient et nous critiquaient, plus le public nous soutenait et nous encourageait », ironise Vlad , qui, non sans humour, compare ses relations avec les pouvoirs publics à celles d’un couple ! « Nous sommes comme deux amoureux. Nous ne pouvons vivre l’un sans l’autre. Il nous arrive d’avoir nos désaccords mais nous avons aussi besoin l’un de l’autre. »

Grâce à l’aide allouée par le FEDEM, Green Leaf à progressivement amené les représentants municipaux à rendre des comptes aux habitants de leur ville, à travers ce qu’elle appelle des « protocoles alternatifs ». Vlad et ses collègues ont ensuite commencé à assister aux séances publiques du conseil municipal et à les filmer. Ils publiaient ensuite les enregistrements sur Internet qui représentaient autant de preuves pouvant être utilisées ultérieurement lors d’enquêtes.

« Nous avons complètement transformé le comportement des pouvoirs publics qui se sont ensuite mis à faire leurs propres enregistrements et à les publier sur leur site Web », déclare Vlad avec une pointe de satisfaction.

L’équipe de Green Leaf, désormais réputée pour son expertise, travaille maintenant étroitement avec les instances de protection de l’environnement à travers des activités de veille du changement climatique, et intervient dans la résolution de problèmes environnementaux. Par exemple, les membres de l’ONG contrôlent l’état des structures hydrauliques et les bassins hydrologiques de la région d’Odessa afin de prévenir le risque de crue et d’inondation à grande échelle. Ils analysent également la qualité de l’air à Odessa et de l’eau dans la Mer Noire et la Mer d’Azov.

L’organisation possède également un service d’assistance téléphonique, la Green Leaf hotline, là encore financée avec l’aide du FEDEM, que les habitants d’Odessa peuvent contacter pour signaler des opérations illégales d’abattage d’arbres. Cette hotline est désormais un canal de discussion instantanée accessible par tous et de nombreux journalistes s’y sont abonnés.

« Ce service a mis un peu plus la pression sur les autorités. Et d’ailleurs, il nous a été rapporté que la nuit, il leur arrive d’aller arracher ou abimer les arbres que nous avons plantés sur le Boulevard français », déplore tristement Vlad.

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Aller de l’avant

Mais de telles bassesses n’entameront pas la détermination des membres de Green Leaf. Vlad est résolu à poursuivre le travail avec les communautés locales, à planter de plus en plus d’arbres et à renforcer la capacité institutionnelle de l’ONG.

« Si nos ‘victoires’ ne peuvent être qualifiées de définitives, ni d’irréversibles, il apparaît clairement que l’attitude de certains fonctionnaires à notre égard est en train de changer. Ils commencent à nous considérer comme des partenaires et à apprécier notre travail et notre expertise. C’est un signe d’espoir pour l’avenir », conclut-il. Vladyslav Balinskiy mérite bel et bien son nom d’optimiste altruiste d’Odessa.