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Narek Tutkhalyan et le Political Café

2 March 2021

Un espace de discussion et de participation citoyenne unique pour la jeunesse arménienne

Ce café, le premier du genre en Arménie, offre aux jeunes Arméniens un endroit où débattre et s’impliquer dans la vie de la société.

Narek Tutkhalyan et le Political Café

Talin est une petite ville touristique arménienne où se dressent de magnifiques églises et monuments médiévaux. Les investissements dans les infrastructures sont rares dans cette ville située non loin de la frontière turque, dans l’ouest de l’Arménie, à une heure de route seulement d’Erevan. Ses 6 000 habitants se rendent dans la capitale pour le travail, les études et les loisirs. Leur ville ne présentait dès lors que peu d’intérêt à leurs yeux. Enfin, ça, c’était jusqu’à l’été 2020.

À la fin du mois d’août 2020, Talin est devenue la première ville arménienne à ouvrir un « Political Café ». Né de l’imagination de Narek Tutkhalyan, ce café politique est depuis devenu un pôle d’activité qui attire aussi bien des habitants de Talin que des clients venus de beaucoup plus loin. Cet endroit unique offre aux jeunes et aux moins jeunes un espace où discuter de leurs problèmes, où rencontrer les dirigeants de leur ville, des parlementaires et d’autres orateurs influents, et où suivre des formations, le tout autour d’une tasse du café local, le soorj.

Un espace pour maintenir l’esprit de révolution

Lorsque le FEDEM a rencontré pour la première fois M. Tutkhalyan en 2018, il travaillait en tant que coordinateur de la jeunesse dans une autre région d’Arménie et il prévoyait de revenir dans sa ville natale, Talin. Porté par l’effervescence suscitée par la révolution de velours, il a voulu maintenir cet esprit de révolution et le nouvel intérêt des jeunes pour la politique et le militantisme social. Il savait que les jeunes ne disposaient d’aucun lieu pour se réunir librement à Talin, et c’est ainsi qu’est née l’idée du Political Café.

« J’étais convaincu que nous devions faire quelque chose pour Talin. Je voulais que notre ville se distingue des autres, qu’elle se dote d’une image de marque. La plupart des jeunes ne ressentaient pas d’attachement réel à leur ville. Ils font constamment la navette entre Talin et Erevan pour le travail ou leurs études. Je voulais qu’ils soient fiers de leurs origines et qu’ils se sentent impliqués dans la vie de leur ville. J’ai réuni une équipe de jeunes qui partageaient ma vision des choses », explique-t-il lors d’un entretien accordé au FEDEM.

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Le café a ouvert malgré les retards causés par la pandémie de COVID-19

L’équipe a repéré un bâtiment abandonné depuis la chute de l’Union soviétique en 1991. Après avoir obtenu une subvention du FEDEM, ces jeunes ont entrepris de le rénover et de le transformer en un café moderne. Ils ont également lancé une campagne de communication pour promouvoir leur projet dans la presse locale, une campagne qui a suscité un vif intérêt dans toute la région.

Le début de la pandémie de COVID-19 a ralenti le projet de reconstruction, étant donné que tous les travaux de construction ont été mis à l’arrêt dans le pays pendant le confinement du printemps. L’équipe a alors décidé d’organiser en ligne de nombreux événements et formations pour les jeunes.

Le café a ouvert en grande pompe fin août et, depuis lors, il s’est imposé comme un lieu de rencontre et de discussion, avec la plupart de ses activités organisées le week-end.

Le vendredi, l’équipe organise les « Vendredis politiques », lors desquels un invité, généralement un personnage politique en vue, vient débattre des principales actualités de la semaine. Le samedi et le dimanche, elle organise ce que M. Tutkhalyan appelle des « standups politiques », lors desquels des orateurs invités s’expriment sur l’actualité du pays, afin d’informer les jeunes et de les intéresser aux enjeux politiques.

Le Political Café propose également en continu des ateliers et des formations destinés aux jeunes, sur des questions telles que les droits de l’homme, le plaidoyer, l’éducation aux médias, l’organisation de campagnes publiques et la réflexion analytique, également dans le cadre de la subvention accordée par le FEDEM.

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Dialoguer avec la communauté yézidie

L’un des objectifs premiers de l’équipe derrière la création du Political Café était également de coopérer avec la municipalité de Talin pour initier un dialogue avec la population locale au sens large, y compris les cinq villages yézidis situés à proximité de la ville. Les yézidis représentent 1,3 % de la population arménienne ; il s’agit de la plus grande minorité du pays. Cette communauté ethnoreligieuse fermée vit depuis de nombreuses années en marge du reste de la société arménienne dans les régions plus rurales du pays. Plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années pour accroître leur participation à la vie politique, notamment par Xirat media, un autre projet soutenu par le FEDEM.

D’après M. Tutkhalyan, le travail entrepris avec la communauté yézidie a véritablement porté ses fruits. Les yézidis sont intéressés par les informations qui leur sont fournies sur les entités de l’administration locale et ils veulent participer davantage à la vie arménienne. Les femmes sont particulièrement actives à cet égard. L’équipe du café a apporté un soutien considérable à la communauté yézidie pendant la pandémie, en les informant des mesures de protection contre la COVID-19, en les aidant à pouvoir bénéficier des programmes publics d’aide et en distribuant des colis alimentaires aux familles dans le besoin.

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Une période difficile pour l’Arménie

La guerre du Haut-Karabakh a été une période particulièrement difficile pour le Political Café, qui a dû fermer pendant quelques jours. Il a rapidement rouvert ses portes, mais l’ambiance y était plus maussade durant ces semaines noires. L’équipe a estimé qu’il était important de continuer d’offrir à la population un lieu où se réunir et débattre de ce qui se passait dans le pays, mais elle n’a pas trouvé approprié de continuer de proposer son animation musicale habituelle.

La guerre finie, le Café politique a repris ses activités. L’équipe a recommencé à organiser des événements, dont récemment une soirée musicale et un événement de réseautage professionnel pour les jeunes. Elle prévoit également une série de réunions entre les candidats aux prochaines élections municipales et les jeunes, une initiative jugée indispensable par M. Tutkhalyan puisque la circonscription électorale a récemment été élargie à 30 collectivités.

En 2021, elle a pour projet d’ouvrir deux nouveaux cafés politiques en Arménie – un à Idjevan, dans le nord du pays à proximité de la frontière azerbaïdjanaise, et un à Ararat, dans le sud, près de la frontière turque.

« Les jeunes sont nombreux à réclamer un lieu tel que celui que nous proposons à Talin, pour pouvoir y rencontrer les responsables politiques et discuter de leurs problèmes. Ils se sentent libres ici. Ils peuvent être eux-mêmes et parler de ce qui les touche vraiment avec les personnes qui peuvent véritablement faire changer les choses. Ils comprennent notre démarche. Un café politique, c’est bien plus qu’une entreprise commerciale. C’est un lieu où se développent notre culture et notre réflexion », conclut M. Tutkhalyan.